Le 1/4 d'heure des ahuris

Eiffel

par Fer Fre le 27/04/2003

Note: 8.0    

"Nous faisons du rock français ! C’est une chose que nous répétons à tous les médias, c’est que nous essayons de faire du rock anglais chanté en français". Ainsi s’exprimait Romain Humeau, compositeur/réalisateur/mixeur de Eiffel, dans Nouvelle Vague N°78. Il est intéressant de revenir, six mois après sa sortie, sur "Le 1/4 d’heure des ahuris", deuxième disque du quatuor. Après l’intense rotation du premier simple, "Au néant", et à l’heure où le second extrait du disque, "T’as tout, tu profites de rien", peine à prendre la relève, aujourd’hui que le disque a disparu des têtes de gondole, son approche distanciée nous dédouane de tout opportunisme. Le disque mérite-t-il réellement tous les qualificatifs souvent outrageusement flatteurs qu’il reçut à sa sortie ? Abrégeons le suspens : oui. Souvent taxé, par facilité intellectuelle, de se mouvoir dans l’ombre de Noir Désir, reconnaissons surtout à Eiffel la qualité d’avoir une personnalité des plus affirmée. Loin de sucer la roue des Bordelais, le groupe fait une synthèse habile de ses principales influences, celle de Frank Black l’ancien leader des Pixies aujourd’hui monstre déchu restant la plus prégnante. Comme Humeau n’en conserve que l’approche la plus émotionnelle ou la plus violente, mariage de riffs parfait et d’envolées lyriques, la séduction opère à l’identique, à savoir immédiatement comme sur le long terme. Aussi à l’aise dans les chansons à la guitare sèche ("Les yeux fermés") que dans le basiquement rock ("Dans le vague"), Eiffel est capable de surprises (les cuivres judicieux de "Off", l’enchaînement des trois chansons de la huitième piste), rendant de ci de là des hommages peut-être inconscients (Warum Joe, Téléphone...), se sublimant à plusieurs reprises jusqu’à livrer des classiques (le hit confirmé "Au néant", le fracassant "Il pleut des cordes"), emportant tout le monde grâce à une composition maligne et accomplie. Bref, entre retenue et virulence, entre sens et dérision, Eiffel touche à son but : son rock anglais en français est tout à fait convaincant. Et continue de récolter des louanges.