Deep dead blue

Elvis Costello & Bill Frisell

par Vincent Théval le 04/11/2003

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Poor Napoleon
Baby plays around


Heureux comme un gamin, je suis revenu du concert automnal d'Elvis Costello au Casino de Paris avec la setlist, que l'ingénieur lumières m'a donné, sans même que j'aie à la lui demander. Avec mon air de ne pas y toucher, j'ai du lui inspirer confiance, voire sympathie. Il est vrai aussi que je détonnais un peu parmi un public relativement (plus) âgé (que moi), dont il m'a semblé qu'il était essentiellement composé de cadres qui sortaient tout juste du bureau. Hypothèse que le prix prohibitif des places pourrait confirmer.

Bref, à l'issue d'un concert magnifique de près de trois heures où le King partageait la scène avec le pianiste Steve Nieve, je tenais la setlist entre les mains. Juste avant le rappel, c'est écrit noir sur blanc : "Poor Napoleon", soit précisément la chanson que je rêvais d'entendre mais que, pour une raison mystérieuse, Elvis n'a pas interprétée. Parue sur "Blood and chocolate", c'est peut-être l'une des plus belles chansons de Costello. C'est aussi la principale raison de se pencher sur "Deep dead blue", le mini album qui nous occupe ici, enregistré en 1995 au Meltdown Festival de Londres avec le guitariste de jazz Bill Frisell. Son jeu presque liquide y est fabuleux : sur des arpèges aériens et délicats, Elvis chante avec conviction touchante, la voix légèrement voilée. L'ensemble est sobre et très dépouillé mais on entend le fantôme des arrangements d'origine, quand la guitare reprend délicatement trois des notes que jouait l'orgue en studio, sur le refrain. Les six autres morceaux sont du même métal mais l'alliage n'est pas toujours aussi réussi : pour un "Baby plays around" lumineux, il faut compter un "Weird nightmare", reprise un peu scolaire de Charles Mingus, où les deux hommes s'appliquent chacun de leur côté, sans qu'on ait vraiment l'impression qu'ils jouent ensemble.

Rien de suffisamment faible pour gâcher un beau disque au charme rêche et minimaliste, qui s'achève sur le morceau titre, le seul écrit en commun par Costello et Frisell : "Deep dead blue", variation âpre autour d'un thème hérité des standards du jazz chanté et romantique.