Buyukberber variations

Emanuele de Raymondi

par Hugo Catherine le 20/01/2014

Note: 9.0    
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D’emblée, la texture sonore de "Buyukberber variations" est frappante. Le procédé créatif et technique a ici une importance capitale : Emanuele de Raymondi a choisi d’enregistrer le clarinettiste Oguz Buyukberber dans un espace à forte réverbération sonore (10 secondes) et de travailler à partir de cette seule source. Magnifiant la mémoire d’un espace, il parvient à agir sur notre perception de la matière sonore ; nous sommes comme dans une bulle cérébrale, en dehors de laquelle tout sonnerait plat.
 
Le plus bluffant est peut-être l’agencement harmonieux entre la matière brute, les notes de clarinette, et la matière transformée, les sons et les bruits. A la manière d’un tisserand, Emanuele de Raymondi crée des motifs répétitifs d’où émergent des bribes mélodiques et des sursauts rythmiques. Ses morceaux reposent sur des effets de récurrence, les échos agissant comme des révélateurs de déjà-vu sonore. Sur "BV6", autour d’une trame répétitive jouissive, se greffent ainsi des attaques chirurgicales de petits bruits aigus.  
 
Sa musique de motifs, pourtant éloignée de la pratique habituelle du mix, intrinsèquement multipistes, en explore pourtant l’essence par juxtaposition de couleurs, jeux d’apparition/disparition, de copier/coller ou enchevêtrement de pulsations. A partir d’un instrument acoustique et d’échos omniprésents, il superpose des structures rythmiques que nos oreilles apprennent à assembler le temps d’un morceau. Les cadences se modèlent à mesure que les pistes avancent, se mêlant à d’autres allures tout ici changeantes. Parfois, le disque semble rayé, les pulsations se télescopent et se muent en syncopes. Parfois même, nous découvrons, en bout de piste, derrière la densité des sons, qu’un beat, jusque-là inaudible, rodait.
 
Cette musique, ni purement répétitive, ni simplement minimale, tourne en vase clos. Sa clarté entêtante nettoie l’esprit, déblaye notre horizon mental au profit d’une belle évasion. Il y a ici à entendre tellement plus qu’une clarinette ; peut-être quelque chose comme un bruit de vagues, une ambiance maritime version haute mer brumeuse. Chacun s’évadera où bon lui semble.
 


EMANUELE de RAYMONDI Buyukberber variations medley (Audio seul)