| | | par Sophie Chambon le 03/03/2002
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| Deuxième album pour Prestige en tant que leader, "Out there" donne à Eric Dolphy la possibilité de créer la musique qu'il a envie d'entendre et de jouer. Pour cette occasion, il s'entoure du contrebassiste Ron Carter qu'il connaissait du quintet de Chico Hamilton, compagnon original, très présent dans son accompagnement au violoncelle. Le contrebassiste George Duvivier, excellent musicien de studio, joue sa partie avec une facilité déconcertante, exécute des solos classiquement impeccables quand il le faut et montre aussi qu'il sait écouter les autres. Quant à Roy Haynes, maître de la rythmique, il déplie avec élégance tous les aspects techniques que pouvait poser la configuration particulière de ce quintet avec deux instruments à cordes. Avec cet accompagnement solide et carré, sur une rythmique ébouriffante dès l'ouverture de "Out there" le premier titre, Eric Dolphy s'élance pleinement, à l'alto pour ce début d'album. Car il joue de tous les registres et de tous ses instruments : de l'alto particulièrement poignant dans le dernier titre "Feathers", à la flûte apaisante dans "Sketch of Melba", sans oublier la clarinette basse dans "Serene" et celle en si bémol pour la composition de Charles Mingus "Eclipse", singulièrement épurée en la circonstance. Ce n'est pas seulement pour créer de nouvelles atmosphères en utilisant couleurs et timbres différents mais pour se démultiplier, construire et déconstruire, souffler et apaiser. Ainsi était Dolphy, virevoltant dans la rigueur, tiraillé entre diverses polarités : on écoute absolument sidéré cette musique, ardente dans ses commencements, nerveuse, qui entraîne au-delà de la sensibilité et du lyrisme. Et qui ne produit pourtant rien de l'excitation et de la violence de certaines interprétations (souvent actuelles) de la mouvance free, tant on la sent contrôlée, et presque mesurée dans ses dérèglements. S'il participa au 'free jazz' d'Ornette Coleman, improvisation collective historique de décembre 1960, il s'inscrit déjà dans cet "Out there", antérieur de quelques mois seulement, dans un jazz vif que l'on redécouvre aujourd'hui sans la moindre difficulté. Décidément les années soixante étaient une époque formidable
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