U.L.M.

François Corneloup

par Sophie Chambon le 11/04/2007

Note: 8.0    

"Sans avoir vraiment le temps de souffler, on s’envole avec le guitariste Marc Ducret dans cet ULM, avec aux commandes le baryton François Corneloup, drivé par un jeune batteur anglais, ayant joué avec Django Bates, un partisan de "l’entente cordiale" répondant au doux nom de … (Martin) France. Une musique très écrite au gré de certains… qui reprocheront dès lors un programme trop serré".

En relisant ces notes sur un des premiers concerts du trio, programmé par le directeur du Bordeaux Jazz Festival, en novembre 2005, comment ne pas se souvenir du plaisir éprouvé à suivre la guitare agile de Marc Ducret qui relance avec délectation, à se laisser porter par le souffle magistral du baryton, présent sur tous les fronts ? Quant au batteur, très concentré, il assurait l’équilibre avec une frappe claire et précise, efficace : une joute franche entraînant des prises de paroles bien dosées et un son saturé, une rythmique de rock progressif. Un ensemble savant et pourtant chaleureux, une organisation collective à trois voix, basée sur la dynamique, très attentive au rythme et à la pulsation, une formule proche de celle du quatuor à cordes en classique. Comme le passage du concert au disque peut réserver quelque surprise, on attendait l’album de ce drôle d'équipage: le voilà qui vient de sortir en mars 2007 sur l’audacieux label In Circum Girum.

Six compositions ouvertes, plutôt longues, caractéristiques de l’inspiration du baryton, qui permettent de prendre son temps comme dans "L’ombre d’un chant". Une sérénité un peu étrange, inquiétante: on s’attend à un bel éclat, à l’orage de sensations exacerbées. Des fredons tout doux aux plaintes plus saugrenues, sans oublier les ostinatos, François Corneloup assure sur tous les registres de son instrument. D'autant plus que l’ensemble sans basse oblige le baryton à une certaine mobilité, aidé en cela par l’excellent accompagnateur qu’est Marc Ducret. Une énergie parfaitement maîtrisée, un contrôle total que d’aucuns pourront reprocher. C’est peut être cela qui tranche, cette jouissance jamais épuisée, toujours différée. On sent pourtant une violence douce, comme contenue qui n’explosera pas. Ainsi s’éloigne à tire d’aile, le groupe, des rivages du rock progressif du début des seventies.
La tension est à un haut niveau mais dominée par la rigueur, la musique conservant un aspect profondément mélodique, sans la force d’une conquête ou d’une libération. C’est en cela peut-être qu’elle est la plus actuelle. Une impatience voluptueusement prudente, un effort d’évitement. Ne vit-on pas une époque formidable ?