Quelques chansons… et autres transformations

Frédéric Favarel

par Sophie Chambon le 29/12/2005

Note: 9.0    

Quatrième album en leader du guitariste Frédéric Favarel qui participa à l'ONJ de Laurent Cugny et au Big Band Lumière, ces "Quelques chansons… et autres transformations" attirent immédiatement l'attention par les qualités d'interprétation et de composition autour de standards incontournables. Après l'introduction délicatement arpégée de "Yesterdays", le développement du splendide motif de Jérôme Kern devrait être retenu dans les "Variations sur un même thème", pour ces chorus "orchestraux" de guitares acoustiques.

Les arrangements superbement travaillés servent d'écrins à d'autres bijoux comme "Someone to watch over me" de Gershwin. Loin de les épuiser, il faut déguster au contraire ces nouvelles versions qui ne font pas regretter les chansons originales. Il y aurait même urgence à ce que cette musique nous apporte du neuf, précisément à cause de l'ancien, qui fut inouï en son temps. Respectueux de ces compositeurs qui ont écrit l'histoire du jazz, Frédéric Favarel préfère évoquer leur mémoire avec sa sensibilité, dans une dérive très orientée, en se démarquant par exemple de la valse de Bill Evans "Very early" par l'écriture d'une vraie composition pour deux guitares intitulée "Very late".

Dans des "liner notes" enfin dignes de ce nom, le guitariste s'explique longuement sur ce projet ambitieux, totalement abouti car essentiel à l'esprit même de la musique appelée jazz. La formule classique du trio offre une interaction efficace à des musiciens complices, compagnons de longue route : la guitare agile, nerveuse, infiniment délicate - de la dentelle "frisellée - de Frédéric Favarel est soutenue par le duo rythmique absolument impeccable du bassiste Frédéric Monino – souple et terriblement mélodique - dont le projet "Round Jaco" sortira en album en avril 2006 et du batteur Patrice Héral toujours surprenant, inventif, judicieusement décalé comme dans le dernier titre "Alone together" où il intervient à la voix et aux samples alors que Frédéric Favarel reprend sa guitare acoustique. Clin d'œil modernistique pour les amateurs de musiques actuelles qui ne renient pas pour autant leurs repères.

Quand on écoute ce disque aujourd'hui, on se range sous la double bannière du renouveau et de l'invention. On en demande des enregistrements de ce calibre, de cette veine populaire pour que l'élan revienne.