Replicas (2008 Tour Edition)

Gary Numan & Tubeway Army

par Emmanuel Durocher le 23/06/2008

Note: 9.0     
Morceaux qui Tuent
Are 'friends' electric
Down in the park


Héritier spirituel de David Bowie et de Philip K. Dick, c'est un peu par hasard que Gary Numan est devenu une sorte d'icône de la synth pop du début des années 80 et précurseur d'une certaine forme d'électronique industrielle qui ratisse de Nine Inch Nails à Front 242.

Tombé sur un mini-Moog traînant dans le studio où il enregistrait son premier album avec Tubeway Army, l'Anglais se prit d'intérêt pour le petit instrument et changea radicalement le son du disque. Initialement prévu dans un créneau glam rock dopé aux guitares, "Replicas" se transforma alors en une œuvre sombre et synthétique dans laquelle les instruments traditionnels sont des accompagnements plus ou moins discrets du synthétiseur devenu partie intégrante du personnage de Gary Numan.

En dépit de la forte influence de la trilogie berlinoise de son héros (Bowie toujours et encore), le chanteur a su créer son propre univers en s'inspirant d'un essai de SF qu'il avait essayé d'écrire. Dans un monde au bord du chaos administré par un super-ordinateur qui se décide à supprimer l'espèce humaine corrompue se côtoient une série de personnages "Numanoïdes" : les amants cyborgs de "Are 'friends' electric", les "Grey men" décident méthodiquement comment se fera l'extermination alors que les "Crazies" se rebellent pour mettre en échec le génocide. C'est à travers cette ambiance violente et désespérément triste, à la croisée des chemins entre Terminator et Metropolis, que Gary Numan se livre ouvertement : solitaire, vulnérable, toxicomane et sexuellement ambigu. Les chansons aux scénarios ténébreux sonnent comme des versions métalliques et paranoïaques des tubes d'Ultravox et d'Orchestral Manœuvres in the Dark ou du "Speak and spell" de Depeche Mode mais elles s'apparentent davantage aux mélodies phobiques de Joy Division et aux ambiances pesantes des Banshees de Siouxie Sioux. Surfant à la fois sur la cold et la synth wave, des morceaux comme "Down in the park" et "Are 'friends' electric" confèrent à "Replicas" un statut d'album culte : ces balades futuristes, mélangeant riffs cryogéniques et montées hallucinantes de Moog avec une voix robotique à la profondeur hors du commun, sont ce qui c'est fait de mieux dans la musique électronique du début des années 80.

L'édition 2008 est accompagnée d'un deuxième Cd qui propose les premières versions des titres de "Replicas" et quelques démos supplémentaires. Moins abouties techniquement – on pense pas mal aux compositions aux patronymes géométriques de Jacno - elles mettent cependant en avant la voix de Numan tout en lui donnant un côté juvénile donc moins froid. Grâce à cet album, le chanteur à l'allure de mutant va passer de l'anonymat au statut d'idole et enchaîner quelques tubes dont "Cars" et le sublime et incandescent "Metal" mais aussi prendre la grosse tête. Comportement prétentieux et mégalo (adieux à la scène pour recommencer les concerts ensuite), difficulté de sortir de son image de sous-Bowie et surtout incapacité à sortir de bons disques après "Pleasure principle" en 1980, le compositeur s'effaça du devant de la scène tout en continuant à sortir un grand nombre d'albums écoutés par un noyau de fidèles.