George Thorogood and the Destroyers

George Thorogood & the Destroyers

par Chtif le 30/09/2004

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
One bourbon, one scotch, one beer
Delaware slide


En 1977, les punks débarquent et font table rase du passé. "Exit Stones, Zeppelin et Beatles : trop vieux et englués dans un rock'n'roll "vieille école", bons à jeter..." Alors, pensez donc, Chuck Berry, Buddy Guy et consorts ce n'est même pas la peine d'en parler...

Tout cela n'est apparemment pas au goût d'un gaillard du Delaware, bluesman averti et picoleur invétéré. Après avoir écumé les bars de la région en quête de coups gratuits, un premier album vient remettre les pendules à l'heure : "George Thorogood and the Destroyers". Le message est clair : du blues et encore du blues.

La part belle est faite aux reprises, portées par la voix houblonnée du maître de cérémonie. Earl Hooker, Elmore James, Bo Diddley retrouvent une seconde jeunesse sous les coups de slide tranchants du guitariste. Fameux doigté d'ailleurs. Dans un style très personnel et surtout identifiable, Thorogood déploie d'efficaces solos au bootleneck bien baveux, laissant la concurrence se disputer la palme de la technique. Peu importe l'esbroufe du moment qu'on a le groove. De fait, les morceaux sont emplis de feeling rhythm'n'blues, moites et dansants. L'ambiance poisseuse des clubs est palpable.

Des sommets sont atteints au cours de "One bourbon, one scotch, one beer", judicieusement emprunté à John Lee Hooker : huit minutes de tension saccadée parfaitement entretenue. Un pilier de comptoir rumine et raconte sa vie aux voisins qui s'en foutent : il n'a pas de job et s'est fait mettre à la porte par sa belle. "Un verre, ça va pas suffire patron, mets-moi en trois."

Entre deux pintes, Thorogood tente d'aller conter fleurette aux serveuses du club, le temps de deux ballades pleines de promesses inutiles ("Kind hearted woman" piochée chez Robert Johnson, et "I'll change my style").

Un "Delaware slide" final vient enfoncer le clou : cette fois c'est décidé, le pauvre gars va mettre les bouts, grimper dans le pick-up et filer sur la Highway 95 en disant bye bye à sa femme. On l'entend prendre courage au fond de son verre : la slide s'emballe, trépigne d'impatience, divague, perd ses bonnes résolutions en chemin avant de piquer du nez sur le zinc. Le bonhomme manque de sombrer pour de bon, mais l'appel du bourbon est plus fort : il repart aussi sec.

Complaintes de bar, brumes nocturnes et blues crasseux. Refrains connus, mais avec un prince de la cuite comme Thorogood, on veut bien risquer la gueule de bois. D'autant plus qu'avec cette réédition (la deuxième !) en version SACD, on a presque l'impression de discerner le tintement des verres derrière les attaques de médiator. Le compagnon de comptoir idéal, en somme...