Ramp

Giant Sand

par Laure Delsaux le 04/07/2004

Note: 9.0    

Attention "Ramp" le neuvième album de Giant Sand est un disque éprouvant pour l'auditeur. Il est une étape charnière dans la carrière du groupe qui pratique depuis dix ans, une chevauchée fantastique du désert qui se perd parfois dans ses propres méandres.

Le combo comparé jusque-là à un sous Gun Club montre ici toute la variété de son talent, morceaux de bravoure torturés et volte-faces fulgurantes, l'envers du décor d'une Amérique bucolique et profonde. Howe Gelb le leader, accompagné de Joe Burns et de John Convertino (qui n'ont pas encore fondé Calexico) maîtrise enfin toutes ses envies aussi éclectiques soit elles. "Romance of falling" le premier morceau commence comme un coup de tonnerre qui provoque une perte de repère autant psychologique que musicale. Des guitares tonitruantes précèdent un refrain mélancolique pour finir par une chute de solos dissonants qui doivent autant à Neil Young qu'au Velvet Underground. "Anti-shadow" est aussi un titre incroyable fait de collages et d'improvisations, une intro à la Tom Waits s'autorise un petit intermède country pour conclure par la violence décharnée du grunge (déjà dans "The Love song" en 1989 Giant Sand montrait ses affinités avec ce genre naissant). Tout au long de l'album, l'omniprésence des ballades country folk détend un peu l'atmosphère, et prouve que le groupe est aussi à l'aise dans le genre acoustique. Enfin de courtes incursions jazz au piano "jazzer snipe" nous font découvrir l'attachement de Howe pour cet instrument percussif.

Dans cet ambitieux odyssée musical, les changements de rythme et de style sont incessants. Donc, pas toujours facile de suivre l'inspiration chaotique de Howe Gelb, qui retombe néanmoins toujours sur ses pieds. Car sa musique aussi extravagante que l'architecture du grand canyon, ne relève pas d'un esprit calculateur. Il aborde chaque parti pris avec la même spontanéité décalée qui le rend attachant et fragile. Son entourage réunit ici pour l'occasion, le bluesman Rainer Ptacek, sa fille Patsy, Victoria Williams et le papy de la famille (encrage nécessaire dans tout ce tumulte), apporte tout ce qu'il faut de chaleur et de sérénité au disque.

En fait "Ramp" résulte d'une certaine alchimie, et pour rentrer dans cet univers tourmenté, il faut accepter de se laisser porter par ce rock du désert souvent rugueux, qui explore l'Amérique sous des dehors inattendus. Il regorge de beaucoup d'émotions et d'expériences, semblable aux films de Gus Van Zandt, road movies revisités, œuvres naturalistes et sensibles, qui cherchent toujours de nouvelles voies. Un ovni à découvrir, totalement atypique dans le paysage musical de l'époque.