Golden retrieval

Gilles Coronado et Fred Poulet

par Hugo Catherine le 28/05/2005

Note: 10.0    

Vingt-deux morceaux pour moins d'une heure de musique. Inutile de dire que les deux zigues privilégient le format court. Celui-ci pourrait être un simple prétexte en vue d'impulser une forme de moquerie corrosive du format pop-rock commercial établi. Mais Gilles Coronado et Fred Poulet vont plus loin : ils font du format court une transgression totale du songwriting.

Tant le contenu - phrases de guitares brinquebalantes, textes surréalistes - que le contenant - titres de morceaux improbables - rendent hommage à un coq-à-l'âne d'élite. Les deux créateurs nous font tourner en bourrique. Lorsqu'ils entonnent leurs morceaux de l'absurde, nous pourrions presque croire à l'émergence de ritournelles thématiques. Pourtant, il faut sûrement davantage y voir l'expulsion d'un art poétique de ne rien dire.

Etres rationnels que nous sommes, nous nous accrochons au sens que nous voudrions voir et entendre. En effet, ces guitares noisy et ces voix surannées ne sont-elles pas l'expression d'une critique acerbe de nos sociétés d'information, de sur-information, de consommation, de sur-consommation ? Malheureusement pour notre quête de sens, le radicalisme absurde ici à l'*uvre est irréductible à une posture sociale ou une attitude engagée des deux musiciens. De fait, leur esprit ravageur est profondément dada.

Plus qu'un enchaînement de poèmes surréalistes aux sens biscornus, il s'agit de l'exposition musicale d'un langage dada obsessif. Ce langage est brouillé et bigarré, par amour du foutage de gueule. Les jeux de mots et les interactions incessantes entre les bandes sonores et vocales méritent bien mieux que notre propre intellectualisation ou socialisation. Au contraire, ces deux gars se foutent de notre tronche et voilà qui est bonnement génial. Leur romantisme est tronqué, leur pessimisme fumiste, leurs rêveries sont sans suite, leurs affirmations gratuites. Il s'agit de l'art de dire fuck sans le dire, (ou pas)* Marcel Duchamp veille et il se marre violemment.