2029

Gontard

par Thomas D. Lavorel le 24/09/2019

Note: 8.5    

"Il faudrait réinventer l’histoire de la littérature à cause de Léo Ferré" (Louis Aragon).

C’est grâce à "C’est extra" l’album de reprises de Léo Ferré (chroniqué dans ce magazine) et d’un très bon "L’opéra du pauvre" par Gontard que l’on s’est intéressé à son récent album "2029", et l’on s’est dit, voilà l’une de ces "mauvaises graines" que le poète sema jadis au vent de ses chansons, qui fleurirent des années durant à l’ombre des guerres du bon grain et de l’ivraie, et dont les fruits mûrs éclatent un à un sous un soleil souvent trop chaud, en ces temps de misère capitaliste supérieure et de sentiments numériques revisités.

"2029", c’était une idée pour un disque ou un roman, un récit comme une chronique sociale, qui aurait été écrite dans la boue des fractures du siècle et d’un pays. Il n’y avait pas besoin de grandes fresques, puisque tout était-là, sous nos yeux. Une ville, Gontard-sur-Misère, ses habitants, sa mairie, son école, son hôpital, et les faits divers qui s’étalent entre les pages du Dauphiné Libéré, où un chanteur de variété vient puiser l’humus de ses chansons.
Musique un peu rock, décalée, bricolage parfois grinçant, comme un vieux disque de fête foraine qu’on aurait oublié dans les décombres de ce qui reste d’hier… ou d’aujourd’hui... Il y a du désespoir, mais ça n’est pas triste et ça n’est pas lourd, il y a de la révolte, une joie et un amour qui ne veulent pas s’éteindre, ça prend au cœur et ça voudrait danser… On se laisse emporter… Et parfois, les instruments nous accompagnent simplement, comme ils accompagnent les personnages dans les films de Kusturica. Mais ce n’est pas les Balkans, la France de 2029 !

Gontard enfin, c’est de la chanson française, dans le sens noble du terme. C’est une écriture simple, efficace, qui n’hésite pas entre la littérature et la poésie, et qui ne manque pas d’humour. Sur fond de lutte des classes et de conscience sociale, il y a chez Gontard le meilleur de ce que l’on pouvait trouver chez Noir Désir ou chez Saez, on encore chez La Tordue ou Les Têtes Raides – quand il y avait encore du cœur et des tripes dans la cohorte des artistes dits de gauche. Avec peut-être quelque chose en plus, ou une imposture en moins, allez savoir… Un mec qui n’aurait pas "trois combats de retard sur le réel".



GONTARD Prolétaires (Vidéo officielle 2019)


GONTARD Hôpital tue (Vidéo officielle 2019)