Vers le début du
millénaire, le monde du show biz accueille parmi ses membres Har Mar
Superstar, un personnage rondouillard atteint de calvitie,
toujours prompt à cavaler dans les talk shows chaussé de
mocassins et vêtu d'un simple slip. A cette époque, son talent
éclot sur les plateaux télé dans des calices de danseuses topless,
en nocturne, au milieu des strings à paillettes et des boas de
plumes couleur flamant rose. Dans les interviews, Har Mar décrit
volontiers sa musique comme du R'n'B ouvertement sexuel et brutal.
Pour ses concerts, il se présente souvent affublé d'une robe de
gospel ou recouvert d'innombrables couches de vêtements. Il
multiplie les pas de danse, les acrobaties, transpire abondamment et
exhorte le public féminin à accomplir sur sa personne un
effeuillage rituel durant le spectacle. Régulièrement, il finit
dans le plus simple appareil. Dans l'Oklahoma, dont la culture protestante rigoriste n'est plus à démontrer, suite à un nouvel accès d'exhibitionnisme, il réédite
l'exploit réalisé par Jim Morrison et se fait coffrer pour
comportement obscène en public. Har Mar ne voulait pas vraiment
choquer, c'était juste pour le fun mais visiblement, les autorités,
cinquante ans après l'épisode Morrison, ne s'étaient toujours pas
émancipées de l'esprit des lois fédérales. Enfin bon, passons...
"Bye bye 17",
son nouvel album, peut être considéré comme un hommage sincère
rendu à la soul music. Har Mar possède un vrai talent d'interprète
et son disque, qui est équipé d'une section cuivre souvent
rutilante, de choeurs suaves gentiment érogènes, reste dynamique de
bout en bout. Les deux premiers morceaux sont d'ailleurs très bons.
"Lady, you shot me", dont le titre fait explicitement référence
aux toutes dernières paroles de Sam Cooke, démarre comme un solo de
crooner un peu triste pour se propulser rapidement dans des envolées
soul de toute beauté. Quant à "Prisoner", c'est un honorable
pastiche de Stevie Wonder, avec ce son de clavier très seventies,
devenu mondialement célèbre depuis "Superstition". En un mot,
irrésistible. La suite, c'est
peut-être un peu moins bien. Pas mal de ballades pop qui fleurent
bon la soul et l'esprit Motown. Des morceaux capables d'égayer la
bande FM, ce qui est déjà pas mal, et qui seraient parfaits pour
des BO de comédies sentimentales ou des productions de Judd
Apatow...
Dans le civil, Har
Mar Superstar, plus modestement, s'appelle Sean Tillman. Il est américain et s'il a
choisi cet étrange pseudo, c'est parce que dans son Minnesota natal,
il y a un centre commercial baptisé le Har Mar Mall ; Sean y allait
quand il était petit et il a toujours trouvé le nom super. Le
reste, c'est pour la rime (ou pour la frime, mais on n'est pas à un
détail près). Tout le monde n'a pas le génie de Stevie Wonder, le
sex appeal de Prince ou le jeu de jambes de Michael. Encore moins les
trois à la fois et ça, c'est un truc que Sean a pigé très tôt.
L'autre jour, on en a discuté au supermarché devant le rayon des
barres énergétiques et on est tombés d'accord : la vie est
essentiellement parodique.
HAR MAR SUPERSTAR Lady, you shot me (clip officiel)
© Pochette d'un 45 tours de Nancy Sit (1970) - Nancy Sit était une chanteuse et actrice chinoise très populaire dans les années 60. Har Mar lui a tout piqué : le titre et la pochette.
