Between the senses

Haven

par Filipe Francisco Carreira le 04/04/2002

Note: 6.0    
Morceaux qui Tuent
Til the end
Say something


A la vue du dossier de presse qui accompagne le premier album de Haven et des photos qui l'illustrent, le jeu consiste à deviner qui est qui. Un jeu qui tourne court, de la posture de Gary Briggs, de sa beauté féline à la robustesse placide de Jack Mitchell - le batteur ! - en passant par le regard mutin de Nat Wason ! - le guitariste - tout semble indiquer le rôle tenu par chacun des protagonistes. Leur look et leur attitude font la part belle aux clichés mais ne refroidissent en rien une presse anglaise qui a fait de ce groupe de Manchester sa nouvelle coqueluche, ce qui en soi, constitue un autre cliché. Parmi les plus dithyrambiques, le NME assure que "les gens vont aimer Haven aussi passionnément que les Smiths ou les Stone Roses". Certes, la comparaison avec les Smiths n'est pas fortuite : les guitares, cristallines et chatoyantes, rappellent le style aérien de Johnny Marr, lequel se trouve... à la production ! Pourtant, à la première écoute, Haven affiche un son, un tempérament quelque peu prévisibles et, par conséquent, peine à convaincre. Il faut dès lors ignorer le contexte, bavard et fébrile, oublier ce que l'on sait de la modernité - heureusement presque rien - pour apprécier les chansons de Haven à leur juste valeur. Poussé par une écriture basique mais remarquable de fluidité, "Beautiful thing" termine sa course effrénée au pied du mur du son que le groupe a construit pour contenir ses refrains : Haven croit-il protéger ses chansons du vide, les privant en réalité de leur espace vital ? Un besoin d'espace parfois si fort et si pressant comme chez le saisissant "Out of reach", au potentiel démesuré. Porté par la voix de Gary Briggs jusqu'à des sommets de lyrisme malade, cette chanson demande à mériter son nom, réclame un impossible vol sans retour, mais un pouvoir autoritaire la retient au sol, aidé en cela par des arrangements impersonnels et envahissants. Si "Til the end" n'échappe pas non plus, ou pas complètement, à la vigilance de ses géniteurs, sa mélodie fend le cœur et dévaste le corps, abattant une à une les résistances que de longues années de contact avec la civilisation avaient pourtant permis de fortifier. Une incontestable réussite à l'instar du dernier single, le mélancolique et envoûtant "Say something", illustration parfaite de la personnalité de Haven, groupe synthétique, non dans son instrumentation mais dans sa démarche, dans sa parfaite compréhension de ce qui caractérise le rock anglais et son habileté à en réunir les principaux atouts. Ce qui constitue une force et parfois une faiblesse, car si Haven possède une maîtrise absolue du sujet, un sens mélodique évident et un authentique romantisme, il lui manque ce je-ne-sais-quoi d'aventureux et de hasardeux qui donnerait à sa musique, sensible et attachante, la liberté à laquelle elle aspire.