The silence of love

Headless Heroes

par Emmanuel Durocher le 15/01/2009

Note: 8.5    
Morceaux qui Tuent
North wind blew south
See my love


Dans l'exercice confortable mais périlleux des reprises, il y a des variantes : le "tribute" où des artistes différents rendent hommage à un culte (Neil Young, Leonard Cohen, les Smiths, Depeche Mode...) et son inverse où groupes et chanteurs se penchent vers leurs préférences personnelles (le "Covers record" de Catpower, "Pin's up" de Bowie, "Satisfied mind" des Walkabouts ou l'indépassable "Fakebook" de Yo La Tengo pour les meilleurs). Certains poussent le vice en établissant une relation privilégiée avec un seul artiste : il en résulte des couples inattendus, Scarlett Johansson-Tom Waits, The The-Hank Williams ou Mick Harvey-Serge Gainsbourg...

Headless Heroes s'inscrit davantage dans une mouvance Nouvelle Vague : une chanteuse en devenir (Alela Diane, pas encore très connue aux USA, un succès critique en France) et le duo de producteurs de Los Angeles Eddie Bezazel et Hugo Nicholson (collaborateurs de Björk, Radiohead ou Primal Scream). La ressemblance avec les Français férus de new wave et de bossa nova s'arrête là, le collectif a fait le choix de reprendre des groupes obscurs de la période 1965-70, tendance folk psychédélique, avec de petites échappées plus récentes. La confidentialité des artistes repris (à part The Jesus and the Mary Chain, Nick Cave et I Am Kloot, les plus connus sont Jackson C. Franck, Daniel Johnston et Linda Perhacs) rend difficile de se croire dans un album de reprises, sans la mémoire de leurs originaux. Mais cela permet de faire quelques belles découvertes, Philamore Lincoln, The Gentle Soul... Les versions présentent des aspects assez conventionnels ("Blues run the game" de Jackson C. Franck, "True love will find you in the end" de Daniel Johnston, "Hey, who really cares ?" de Linda Perhacs, "Just like honey" de The Jesus and the Mary Chain...) mais les mélodies sont toujours sublimées par la voix d'Alela Diane. Certaines partent dans des directions magiques et mystiques : le "Nobody's baby now" de Nick Cave enlève ses habits d'orage pour devenir sépulcral, "To you" d'I Am Kloot devient claustrophobe et désincarné. Headless Heroes s'accorde des envolées lyriques et psychédéliques avec "See my love" de The Gentle Soul et le sublime "The north wind blew south" de Philamore Lincoln.

On peut toujours s'interroger sur l'utilité d'un tel disque, fruit de la collaboration de personnalités divergentes. La réponse appartient peut-être à Alela Diane, cet album l'ayant aidé à évoluer en tant que musicienne et lui ayant permis d'utiliser sa voix autrement (ce qui a du déconcerter quelques admirateurs de "The pirate's gospel") sans avoir à tout diriger en studio.


HEADLESS HEROES The north wind blew south (Live Philamore Lincoln 2008)