Surrogate cities

Heiner Goebbels

par Nicolas Bremaud le 18/01/2001

Note: 5.0    

Heiner Goebbels est un compositeur atypique, naviguant avec aisance dans différents univers musicaux à priori peu conciliables, passant du rock expérimental à la musique contemporaine façon IRCAM comme on passerait de TF1 à France2, mais toujours guidé par la même boussole : les textes du dramaturge Heiner Muller. "Surrogate Cities" est un ensemble de cinq pièces dont le fil conducteur est la Ville, commandé pour célébrer les mille deux cents ans de Franfort. La ville donc, avec ses bruits plus ou moins transformés par les samplers, ses strates de mémoires, ses formes architecturales inspirant des formes musicales. La première, la plus longue est une suite pour orchestre et samplers en dix mouvements dont les titres ("Gavotte", "Menuet", "Gigue") font bizarrement référence aux suites de danses du XVIII ème siècle. L'univers sonore et émotionnel très riche de cette musique capte d'emblée l'attention et certains passages sont même de grandes réussites. La Chaconne introductive utilise comme matériau principal de magnifiques chants juifs enregistrés dans les années vingt et trente, habilement sertis dans un ample tissu orchestral. Le Menuet ("l'ingénieur"), sorte de féerie technologique que Ravel aurait probablement appréciée (on pense au début de "L'heure espagnole") et l'air final ("Compression") avec sa mélodie épurée aux vibraphone et marimba, flottant sur de caverneux accords d'orchestre, que viennent brouiller des bruissements électroniques, sont aussi remarquables. Les choses se gâtent rapidement avec la deuxième pièce, "The horatian-three songs", sur des textes de Heiner Muller traitant de la bataille entre Rome et Albe. En effet, la fantastique chanteuse Jocelyn B. Smith, ne parvient pas à dissiper l'impression d'avoir à faire à une grossière musique de péplum qui se dégage à l'écoute des deux premières parties. La troisième est plus originale et nous sort un peu de l'ennui qui gagnait. Il s'agit d'une véritable ballade soul avec un accompagnement exploitant les ressources orchestrales de la musique contemporaine, ce qui ne manque pas de surprendre et fonctionne finalement assez bien. Les trois pièces suivantes, bien que plus courtes, nous plongent définitivement dans l'ennui.