Around the house

Herbert & Dan Siciliano

par Martin Dekeyser le 19/06/2002

Note: 5.0    
Morceaux qui Tuent
Soundslike


Matthew Herbert fait partie de ceux qui aiment déranger les formatages et les étiquettes faciles. Il multiplie les productions, notamment sous différents pseudos (Radioboy, Wishmountain, Dr Rockit), et touche à plusieurs styles de manière concomitante (house, electronica, techno...). Tout ceci rend son entreprise délicate à juger sinon en prenant beaucoup de recul par rapport à chacune de ses compositions.

Auteur d'un manifeste fort strict qui détermine les méthodes de compositions qu'il emploie, il opère une fracture par rapport à la majorité de ses contemporains. Son matériau sonore, il va le chercher dans son milieu environnant. Tout y passe, des assiettes au coeur qui bat, du démontage de l'outil à celui de l'habitat ("Around the house" est construit à partir de sons domestiques). Cette démarche rappelle celle des musiciens électro-acousticiens qui ont jeté les bases de la musique concrète. Cependant, il pousse celle-ci jusque dans ses plus abruptes retranchements en refusant également de récupérer des sons créés et enregistrés de quelque manière que ce soit avant lui, s'autorisant toutefois l'emploi des voix et des instruments à l'état pur (ou sous effets créés par lui). Pour tenter de couper le flux capitaliste, il récupère des sons qui proviennent en majeure partie d'un milieu urbain à l'image même de ce recyclage intempestif.

On pourrait dès lors taxer sa démarche de situationniste tout en constatant malgré tout que la plupart des individus qui se revendiquent des thèses de Guy Debord n'ont jamais produit quoi que ce soit d'intéressant en matière d'art. On peut souligner le caractère pertinent de sa mise en valeur des accidents durant la création musicale, volonté délibérée d'éclater le sacro-saint libre arbitre pour mieux laisser apparaître des failles dans ses compositions. Mais cette méthode n'est pas non plus son apanage, Aphex Twin entre autres concrétisant cela depuis une bonne dizaine d'années.

Alors que penser en fin de compte de tant de bonne volonté ? "Around the house" satisfait certes à la plupart des exigences qu'Herbert s'est imposé (son manifeste est postérieur à l'album et ses productions plus récentes respectent totalement ses exigences). Mais l'album sonne souvent très festif et ludique, la démarche de composition 'house' n'y étant pas étrangère. Fissurer le divertissement, donc se recentrer vers un projet esthétique dont nous sommes continuellement distraits, suppose de détruire concrètement celui-ci. Mais la concrétisation n'a pas lieu. Faut-il en déduire que l'oiseau est pourri dans l'oeuf ? Que tout ceci est de la contestation générée par le système lui-même ? Herbert est-il le virus musical qu'il se prétend être ? Non, je ne pense pas. Même si l'on tend vers un éclatement soft de l'écoute domestique usuelle, celui-ci me paraît factice. Herbert contribue alors à ce qu'il dénonce, il croit fissurer quand il ne fait que consolider.