Spider's dance

Hubert Dupont - Dupont T

par Sophie Chambon le 30/05/2007

Note: 9.0    

Après avoir tissé sa toile, elle nous tient, le fil à la patte, cette araignée dont la danse enchante le dernier disque du contrebassiste Hubert Dupont.
Pour le situer, il faudrait replacer ce musicien singulier au cœur de la nébuleuse de groupes dans lesquels il a su se forger une identité, de Kartet dont il est le contrebassiste depuis 1990, à Thôt où il s'électrise au contact de Stéphane Payen, sans oublier Hask créé en 1993, ou encore le collectif belge Aka Moon. La liste de ses collaborations en tant que sideman est impressionnante mais c'est l'aventure de Dupont T que l'on salue ici avec ce "Spider's danse", premier album de la formation, en compagnie du pianiste Yvan Robilliard au phrasé souvent lyrique, délicat et insidieux ("Ladies on board"), de Chandler Sardjoe, batteur de Kartet, et donc vieux complice. La rencontre avec le saxophoniste alto new yorkais d'origine indienne Rudresh. K. Mahanthappa ne pouvait être que propice à l'imagination coloriste du compositeur qui aime les polyrythmiques un peu complexes et subtiles ("Douj", "Possib", "Orientable").

L'altiste mène la danse avec une extrême mobilité, créateur de volutes entêtantes : son phrasé s'insinue dans la musique, pli contre pli, sans jamais en finir d'hypnotiser. Batteur et contrebassiste semblent avoir toujours le même plaisir à se retrouver et à partager. Sardjoe joue des timbres et des rythmes qu'il alterne, superpose, redistribue. Toujours dans le registre du chant, le contrebassiste exalte sa partition, orchestrée avec des textures inusitées qui confèrent à cet ensemble un style particulier. Car s'il est sensible aux combinaisons arithmétiques de la métrique indienne, Hubert Dupont est orienté parallèlement vers l'Afrique et ses tensions comme dans "Moundelé" construit sur des rythmes congolais.

Sans se risquer à vouloir comprendre la "fabrique" de la musique, on se laisse très vite prendre au jeu, envoûté mais non paralysé par le jeu de l'araignée qui ne s'agite pas qu'au plafond. Notre musique s'écoute comme un mobile aux fils invisibles, suggère le contrebassiste ainsi que le graphisme de la pochette, où la demoiselle araignée tourne, juchée sur des talons hauts. Un disque que l'on aime pour ce qu'il éveille dans notre imaginaire, ouvrant la voie à un exotisme authentiquement raffiné.