L'Anglais Hugh Coltman, désormais basé à Paris, a dans son gosier davantage à nous proposer que l'ordinaire folk-rock. "Stories from the safe house" commence pourtant (et de belle manière) comme un disque de chanteur néo-folk d'aujourd'hui : guitare délicate, ukulélé, et une voix très mélodieuse qui monte sans effort les reliefs intimistes de "Sixteen" et "Voices". La voix, c'est la grande affaire de Hugh, biberonné au jazz plutôt qu'à AC/DC : les amateurs d'Andrew Bird apprécieront de trouver sur leur chemin un autre gazouilleur de première main.
L'univers de Coltman ne s'arrête pas là. Le disque s'extrait peu à peu d'un genre pour verser dans d'autres, et dévoile des influences que l'on ne croise quasiment jamais dans la sphère indie-folk. C'est d'abord "Could you just be trusted", titre enlevé avec une rythmique insistante au piano et un chant soul : on se rapproche de Stevie Wonder, et pourquoi pas d'un George Michael allégé. L'ajout de solos de guitare blues à la BB King (avec son précédent groupe The Hoax, Coltman a assuré ses premières parties) brouille encore plus les pistes - ce syncrétisme musical peut aussi faire penser à Keziah Jones. Suit "Something wicked this way comes", une délicieuse balade jazz dans le registre Chet Baker. "Greener than blue", "The moon caught in a tree", se raccrochent à un style folk en picking, avec accordéon et arpèges de guitare électrique ; "Magpie", au risque de trancher avec le reste, déploie carrément un rythme ska, et "Ballad of the sad young man" finit on ne peut plus classieusement piano-voix.
La versatilité est pour beaucoup de disques un piège : Hugh Coltman, grâce à un toucher tout en légèreté, montre une palette talentueuse - l'heure des choix n'est pas encore venue, et c'est tant mieux.