| | | par Sophie Chambon le 03/10/2008
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| Cet I-overdrive trio, emmené par Philippe Gordiani, Bruno Tocanne et Rémi Gaudillat revisite, dans une démarche intellectuellement fidèle, certains thèmes signés du génial Syd Barrett de "The piper of the gates of dawn", premier album de Pink Floyd en 1967. Le Floyd allait dès lors secouer les normes déjà établies de la pop, avec cette musique jugée froide et planante, d'étudiants en architecture. Album inclassable car les climats évoluent d'un titre à l'autre, brouillant les pistes. Les notes de livret du guitariste Philippe Gordiani nous font comprendre qu'il ne s'agit pas seulement d'un nouvel hommage, un énième "tribute" mais d'une tentative (réussie à notre goût) avec une instrumentation différente et définitivement jazz (guitare, batterie, trompette) de marcher dans les traces de cet album mythique et fondateur. Un projet original qui risque au premier abord de défriser les adeptes du jazz et les fans du rock, tant les chapelles existent encore de nos jours. Quand on entend les emballements rageurs, la guitare volontairement électrique et emportée de Philippe Gordiani, on reconnaît l'état d'esprit et surtout le son du rock. Mais le jazz n'est pas loin, parce que, sans contrebasse, les seules trompette (Rémi Gaudillat) et batterie (Bruno Tocanne) font aussi entendre leur voix, leurs couleurs, leurs timbres, imprimant leurs marques dans les compositions originales de Syd Barrett, propices aux élans tourmentés mais toujours mélodiques.
A l'origine du titre du disque, "Interstellar overdrive", la longue composition instrumentale de près de dix minutes qui commençait par un riff explosif de Barrett sur "The piper...", Barrett, créateur fou, précurseur disparu trop tôt du monde des vivants, qui avait en lui quelque chose du Pied piper, du joueur de flûte de Hamelin. S'il prenait du LSD pour quatre et fut peut-être responsable de l'assimilation du groupe au mouvement psychédélique, Barrett fut très rapidement ingérable et donc évincé par ses compagnons. Pink Floyd continua avec le succès que l'on sait.
Plutôt que d'assister à d'inutiles reformations, mieux vaut écouter ce qui inspire des musiciens d'aujourd'hui dans cette musique très libre d'inspiration et de ressentir ses relations avec le jazz. Car, avec une évidence lumineuse, ce nouveau trio qui entre dans la nébuleuse du collectif d'Imuzzic, donne à entendre que l'on peut encore réunir des esthétiques différentes, réconcilier des approches en apparence éloignées. On entend ici de la chanson, "Matilda mother", des réminiscences des ballades intergalactiques du Floyd, "Astronomy domine", et même des effluves de la campagne anglaise. Pas trop étonnant pour un groupe qui vit dans les monts du Beaujolais, mais qui sait aussi ce que jazz veut dire : faire du nouveau sans perdre ses repères, créer une musique qui se développe librement dans l'instant.
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