Igginsbottom

Igginsbottom

par Frédéric Joussemet le 24/09/2000

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
The castle


Igginsbottom aurait pu être d'une banalité affligeante (1969, deux guitaristes chanteurs, un bassiste, un batteur... une formation postée à chaque coin de rue sixties) eh bien non ! Trente secondes suffisent pour réaliser qu'on a affaire à deux guitaristes qui aiment leur instrument, et on imagine facilement leurs soirées passées à bidouiller les accords, tordre les cordes pour trouver de nouvelles voies. Même si la six cordes n'est pas toujours au centre (on a droit à un beau solo de basse sur "Not so sweet dreams") c'est elle qui prédomine et donne de l'originalité à la formation. Mais attention, ni Allan Holdsworth (futur membre de Soft Machine dans la période vomitoire post 1972) ni Steven Robinson ne sont dans un trip guitar-hero. Leur jeu est pur, tout comme leur son, sans distorsion ni effet quelconque, et cela fait toute la différence. Deux jazzmen guitaristes, un bassiste et un batteur rythm & blues... Dur à imaginer, mais à écouter ça frise parfois l'extase. C'est le cas pour leur premier morceau, "The castle". Climat vaporeux, les guitares se baladent endormies dans une comptine d'enfant. La basse vrombit, la batterie s'affole en un break furieux, tout éclate et retombe en cascade en une cadence mid tempo, calme, dansante. Tellement dansante qu'il est inutile de contrôler son pas en l'écoutant. La démarche s'infléchit, s'assouplit, disparaît derrière la pulsation qui prend le contrôle. Arrive le chant en "slow walking talk" (comme la chanson de Robert Wyatt), en mid tempo, imitant le pas "swingant" d'une personne qui marche calmement... L'émoi survient de cette litanie : Allan Holdsworth n'a pas une grande voix, mais il est "dans le truc", plongé dans le feeling qui transpire de chaque note, intonation, pulsation... D'autres morceaux n'ont pas cette importance ou jouent dans un autre registre, tel des entrelacs d'accords dissonants, mais on est toutefois rarement déçu par la totalité d'une chanson. Igginsbottom mérite vraiment cette réédition, pour enfin sortir de l'ombre avec quelques années de retard.