Gardenias for Lady Day

James Carter

par Sophie Chambon le 15/06/2004

Note: 8.0    

James Carter, l'un des plus brillants saxophonistes de sa génération ne sait pas toujours se faire apprécier à l'aune de son immense talent ; et ceux là même qui, à ses débuts, acclamaient en lui un nouveau JC (John Coltrane), Dieu de l'instrument, démolissent aujourd'hui le "new young lion", dénonçant une virtuosité sans âme et lui reprochant de s'attaquer à des terres par trop labourées.

Mais depuis "Conversing with the elders", James Carter creuse le sillon du jazz, rendant hommage à tous les styles de cette expression musicale que l'on pourrait qualifier aujourd'hui d'historique, du bop au free. Après un projet "Chasing gypsy project" à la mémoire de Django, qu'il couplait avec un "Laying in the cut" qui allait voir du côté du funk, il a choisi de consacrer un album entier, non pas à la seule Billie Holiday (comme le titre pourrait le suggérer) mais à certaines compositions emblématiques de la grande époque du jazz. Et on reconnaît ainsi, dans un ensemble de belle unité, quatre titres de Billie et d'autres rendus célèbres par Duke Ellington, Coleman Hawkins et Don Byas.

L'intelligence des arrangements rehaussés parfois par une section de cordes sensibles, jamais mièvres, la rigueur et la maîtrise de son quartet (John Hicks au piano, Peter Washington à la basse, Victor Lewis à la batterie) ajoutent de la qualité à l'idée. Quant à l'élégant Carter, il règne en maître absolu, jouant du ténor, baryton, soprano et des clarinettes, s'adaptant au climat des divers titres : sur la ballade divine de Billy Strayhorn "A flower is a lovesome thing", il est fluide, moelleux, sensuel. Au contraire sur "Strange fruit" dont on appréciera la version chantée à des lieues de celle de Lady Day, il sait être rauque et déchaîné, d'une extrême violence au ténor (l'idée géniale étant justement de prendre à contre-pied la version mythique, bouleversante, toute en violence et émotion contenues).

S'il n'y a pas d'urgence à écouter "Gardenias for Lady Day", il n'y a pas non plus de raison de s'en priver.