Modernistic

Jason Moran

par Sophie Chambon le 08/12/2002

Note: 7.0    

Encore un disque de piano et de piano solo, de surcroît. Le pianiste s'appelle Jason Moran, un nom de polar. Il a 27 ans, "Modernistic" est son premier album solo chez Blue Note. Il a choisi le jazz et ses maîtres sont souvent des percutants très percussifs dont Muhal Richard Abrams auquel il rend hommage dans "Time into space into time". "Modernistic" est l'album qui relie la tradition au jazz d'aujourd'hui. En ouverture, un hommage appuyé à un maître du "stride" James P. Johnson "You've got to be modernistic". Tout un programme. Il enchaîne avec un "Body and soul" déconcertant. "Planet rock", tube de rap de 1982 est encore un exemple du cocktail de styles et de techniques. Jason Moran fait l’aller retour entre diverses époques, n’hésitant pas à se couler dans la vision romantique de Robert Schumann et de Joseph von Eichendorf, pour la version de "Auf einer Burg/in a fortress". Une mention spéciale pour le boogie "Moran Tonk circa 1936" qui célèbre une époque bien révolue, musique de bastringue que ne renierait pas le honky tonk man Clint Eastwood. Un autre titre est particulièrement évocateur, "Gangsterism on a lunch table", pour illustrer l’intrusion de gangs aux beats urbains, martelant les tables de cafétérias, emprunte aux techniques de piano préparé de John Cage. Pour le final "Gentle shifts south", c’est un retour aux sources, aux racines créoles des bayous de Louisiane et du sud texan de ses origines. On peut se poser la question d’un tel projet, moderniste( ?) qui a néanmoins son charme. Un album nostalgique moderne. Car si Jason Moran est résolument de son temps, n’en doutons pas, il cultive sans revivalisme douteux le goût du piano jazz de la grande époque.