Faces

Jean Charles Richard

par Sophie Chambon le 02/12/2006

Note: 9.0    

Le piano se prête peut être plus facilement à l'exercice délicat du solo, mais avec un saxophoniste de la classe de Jean Charles Richard, le risque était mesuré. Initialement, "Faces" n'est pas un album conçu pour plaire à tout prix. S'il y réussit, c'est que l'on aura apprécié la teneur véritable d'un projet aussi personnel. Dans son premier album solo, au saxophone baryton ainsi qu'au soprano, Jean Charles Richard place dans ses priorités, expression, fluidité de l'énergie, développement créatif, improvisation. Son travail relève d'une rigueur qui n'a pourtant rien de trop austère, et ainsi ne s'apparente ni à un exercice de style ni à des études, même brillantes.

On pense plutôt au portrait d'un artiste en saxophoniste, sous toutes ses faces. Cette ambition est patente, de la première pièce courte introductive "First sound" à la dernière, "To Lacy, from the bugle boy", en hommage au maître incontesté du soprano. Jean Charles Richard dessine les contours de son exploration musicale et artistique au sens large, puisque Olivier Messiaen ou même Georges Perec sont abordés. On passe de formule classiquement mélodique à des essais plus contemporains "Réflexion sur le langage d'Olivier Messiaen" ou "Off birds", sans oublier des improvisations brillantes, où technique et virtuosité restent au service du plaisir de l'imaginaire mis en lignes musicales comme dans le mystérieux "Boréal". Sensibilité, émotion, intelligence de la musique composent cette échappée solitaire, enregistrée aux États Unis, dans l'antre d'un autre grand musicien du saxophone, Dave Liebman, qui a accepté de jouer de la batterie sur deux thèmes qu'il a écrit en hommage à Elvin Jones.

Jean Charles Richard écrit pour ses instruments et à travers eux. Il a étudié brillamment, cela se sent. Il arrive à tirer de ses instruments, les effets les plus marquants : clarté, précision, tranchant du soprano, puissance et volupté, rythme au baryton. En faisant alterner des solos purs avec des compositions en re-recording qui sonnent plus "orchestrales", on s'aventure d'une plage à l'autre, sans se lasser jamais, comme dans ce "Fandango" très oriental aux textures et timbres inouïs quand on connaît l'instrumentation initiale, ou ce "Bone" particulièrement expressif, lyrique et charnel.

"Sophistiqué" est l'adjectif qui convient pour qualifier ce travail fascinant, cette façon subtile d'harmoniser les différentes lignes. Habité d'une vraie passion des instruments et des sonorités, des jeux de couleurs et de timbres qu'il marie à plaisir, Jean Charles Richard nous invite à le suivre dans son aventure musicale. Singulier pluriel, le saxophone exulte et n'a jamais mieux résonné.