La pointe rouge

Jean Guidoni

par Elhadi Bensalem le 09/10/2007

Note: 8.0    

Lorsqu'elle se trouve hors circuit ou hors format, la chanson française peut accoucher de quelques irréductibles excentriques, réapparaissant par vagues successives lorsque la conjoncture est à la nostalgie et que les jeunes loups réclament leurs aînés.

Jean Guidoni est de ces durs à cuire dans la marmite du conformisme. Baroudeur dans les années soixante-dix, homo tendance queer adepte de nouvelles expériences scéniques et discographiques dans les années quatre-vingt, il est peu de dire qu'il ne représente pas le bon élève "Druckerable" à l'envie des médias ; médias qui lui ont régulièrement tourné le dos, faisant fi de la fidélité d'un public souvent acquis à sa cause. Entre le bouillonnement théâtral d'un Torreton avec qui il partage quelques caractéristiques physiques, et la voix suavement rauque d'un Nougaro, il emporte la mise avec "La pointe rouge" son dernier album, le second depuis son come-back avec "Trapèze" en 2004.

Guidoni s'offre ici un retour en grâce, appuyé par la reconnaissance de la nouvelle génération (les jeunes loups précités), les Dominique A (pour un "Cloaca maxima" magnifique), Mathias Malzieu de Dyonisos, Jeanne Cherhal ou Philippe "jecoupeleson" Katerine. On retiendra parmi les moments forts du disque, l'ouverture "Kérala" brute et rocheuse, "Fatal", qui propose une progression de plongeur en mer, "La pointe rouge" appel à l'évasion du corps et de l'esprit, ainsi que les instrumentations tantôt minimalistes tantôt musclées qui se succèdent, toujours d'une fine musicalité. Demeure cette ambiance racée, désespérée et chargée d'une haute teneur poétique. L'univers de Guidoni est difficile à appréhender, nuageux et turbulent, tel qu'on peut le voir sur la pochette de l'album, mais comme il le signifie clairement sur celle-là même, nous n'avons qu'à le suivre.