Jean-Michel Caradec illustre parfaitement le problème de positionnement vis à vis des média rencontré dans les années soixante-dix en France par les jeunes auteurs-compositeurs dit à texte. A cette époque de radios non libérées, se faire connaitre auprès du grand public passe par la télévision, où trône le samedi à 20h30 un couple inculte omnipotent et faiseur de carrière, les Carpentier, aujourd'hui célébré comme "culte" par la pacotille palmadienne.
Chez eux se ruent les marchands de tubes (Sardou, Vartan, Fugain, Dassin, Lenorman...), un jeu que joueront aussi sans vergogne les Gainsbourg, Birkin, Dutronc, Hardy, Souchon...
Aux marges de ce supermarché vivent de rares émissions très nichées, programmées le plus souvent tard, qui invitent des artistes plus authentiques : le finissant "Discorama" de Denise Glaser, le "Bienvenue" de Guy Béart ou le Pop Club de José Artur sur France Inter...
Ils sont nombreux au fil des 70's à difficilement trouver une place dans cet univers audio-visuel de vulgarité clinquante : Michel Corringe, Imago, Catherine Ribeiro, Joan Pau Verdier, Les Enfants Terribles, Brigitte Fontaine, Colette Magny, Jeanne-Marie Sens, François Béranger... et bien d'autres. Maxime Leforestier, qui rejette lui aussi ce monde-là, a la chance d'un tube inoxydable ("San Francisco") qui lui sert de rente et garantit sa survie. Yves Simon, après deux albums sous influence Ferrat passés inaperçus, changera son fusil d'épaule en adoptant moultes références au rock (et ça marchera en 73).
Caradec lui, malgré une oeuvre accessible (sous-entendu au grand public), suit la tradition d'un Trenet (dont il se revendique) ou d'un Moustaki. Mais hormis quelques clins d'oeil folk ("La ballade de McDonald"), il reste dans une tonalité traditionnelle de chanson qui l'oblige à dérouler son chemin pas à pas. Il devra attendre six ans pour obtenir un vrai succès ("Ile" 1975).
Opiniâtre, déterminé à ne pas se compromettre et talentueux, Jean-Michel Caradec aurait probablement atteint la place qu'il méritait si sa mort accidentelle en voiture pendant une tournée de 1981 n'avait mis un point final macabre à son histoire.
EPM, l'indispensable conservatoire des chansons françaises de qualité propose l'intégrale de Jean-Michel Caradec. Ce sera la découverte d'une oeuvre qui mérite l'écoute pour beaucoup, un réconfort pour d'autres.
"Mords la vie", live avec Maxime Leforestier (et François Rabbath à la contrebasse).
JEAN-MICHEL CARADEC Mords la vie (Live TV France Noël 1973)
JEAN-MICHEL CARADEC Epitaphe pour Brian Jones (Audio seul 1973)
JEAN-MICHEL CARADEC La course au soleil (TV France 1973)
JEAN-MICHEL CARADEC La ballade de Mc Donald (Audio seul 1976)