Considérations

Jean-Philippe Viret

par Sophie Chambon le 24/03/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Madame Loire
Zazimut


Passer de la position de sideman à celle de leader peut être une expérience déroutante, mais à l'écoute des "Considérations" du contrebassiste Jean-Philippe Viret, il faut se rendre à l'évidence... Plus qu'à la révélation d'un musicien, c'est à la découverte d'un trio, parfaitement abouti et véritablement inspiré, que nous convie le label Sketch, dont le producteur Philippe Ghielmetti peut-être fier, à juste titre. Les compositions du pianiste Edouard Ferlet et du contrebassiste Jean-Philippe Viret, malgré les différences sensibles de tempérament de leurs auteurs, parviennent à se fondre en une remarquable unité : un ensemble de pièces plutôt dynamiques, où les changements contrastés de climats, les accélérations brusques, les cadences parfois fluides mais aussi brisées et martelées dévoilent une perception commune, une musicalité indéniable. Comme si la mesure et la discrétion, toutes relatives, du contrebassiste tempéraient le lyrisme ardent et les brillances narratives du pianiste. Inversement, dans cette écoute sans cesse renouvelée, Jean-Philippe Viret, gagné à son tour par l'ivresse du crescendo, devient pulsation vive, creusant intensités et matières. Il ne cherche jamais à s'imposer par la seule virtuosité, même dans les passages à l'archet qui impriment une nuance plus délicate. Il serait injuste à présent de ne pas donner la place qu'il mérite à Antoine Banville, le troisième côté du triangle, le batteur complice, à la frappe sèche et aux roulements ultra serrés. Il accompagne avec une belle énergie tout l'ensemble, le dynamite même dans le trop court solo qu'il s'accorde dans sa propre "Balad" et c'est encore lui qui conclut, tambour battant, impétueusement, un "Zazimut" tournoyant, des plus convaincants. Ainsi depuis le "Madame Loire" inaugural, sourdement hypnotique, la musique progresse en climats engagés et percussifs, vers un final tendu et vibrant. Un trio impeccable, élégamment fusionnel dans le sens où chacun s'ajointe parfaitement aux deux autres, dans le corps de la musique dont l'écoute devient de plus en plus captivante. Une formation qui mérite une reconnaissance plus large et dont on espère avoir bientôt d'autres échos. Et pourquoi pas en concert ?