Grace

Jeff Buckley

par David Lopez le 05/10/2000

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Grace
Dream brother


Repéré sur scène dans un concert en hommage à son père, puis avec le Ep "Live at Sin-é", capturé en solo dans un bistrot de l'East Village où il avait le culot de reprendre Van Morisson dans les grandes largeurs et de compiler Edith Piaf, Jeff Buckley enregistre "Grace" en 1994, seul témoignage abouti et assumé sorti de son vivant, précieuse relique dont on aurait tendance à ne plus voir les défauts et les traces d'usures.

Fils d'un illustre troubadour qu'il a très peu connu, Jeff Buckley en a tiré les meilleures leçons, puisé les plus grandes qualités : une voix hors du commun, le sens de la scène et de l'exploration, une richesse et une liberté de ton sans limites. Jeff Buckley était facile, pouvait tout faire, avait le choix. "Grace" est un album résolument pop, fait de mélodies captivantes, et farouchement rock, soutenu par une guitare virtuose mais modeste et un groupe à son image. Classieux, il passe de la confidence ("Lilac wine") au rugissement ("Eternal life") avec une facilité ahurissante, à l'instar de cette voix cristalline et angélique qui sans transition peut se faire aguicheuse et terriblement puissante, remuante, explosant comme pour une dernière occasion.

Les titres lorgnent vers Benjamin Britten et Leonard Cohen, mais distillent aussi bien l'esprit de Nusrat Fateh Ali Khan ou de Led Zeppelin, et font frissonner après des centaines d'écoutes comme au premier jour. Petit aperçu de ce que Jeff Buckley pouvait exprimer sur scène, l'humour en moins, ce disque n'est pas un 'immortel' en soi mais son auteur, décédé en 1997 à l'âge de 31 ans, aura contrairement à Attila fait repousser l'herbe de plus belle après son passage, et on n'a pas fini d'entendre de jeunes impudents se réclamer de ce nabot de génie, ultime icône rock du XXe siècle. Jeff Buckley a été touché par la grâce... et inversement.