Classic objects

Jenny Hval

par Jérôme Florio le 10/05/2022

Note: 8.0    

Depuis une vingtaine d’années, l'artiste norvégienne évolue aux confins de la musique expérimentale et de la pop, traçant une route personnelle et sinueuse jalonnée de disques réalisés en collaborations et sous son nom : "Classic objects", son huitième album en solo, pourrait bien être le plus accessible à ce jour. Il possède un pouvoir d’envoûtement comparable aux disques de Björk – du temps lointain où ceux-ci n’étaient pas des "concepts" bons à sonoriser des expositions d’art contemporain.

De sa voix haut perchée à laquelle on donnerait le bon Dieu sans confession (qui rappelle celle de la regrettée Trish Keenan, de Broadcast), elle nous emmène avec précision où elle le souhaite : sa science des arrangements culmine sur "American coffee" et "Classic objects", toutes en subtils décalages vocaux et percussions chaloupées. Ce concentré de subtilité et de savoir-faire ne prend jamais le dessus sur l’humanité, presque à nu, qui se dégage des chansons. Hval y décrit précisément et sans s’épargner une certaine inadéquation au monde.

Le disque bascule presque exactement à mi-parcours, coupant en deux "Cemetery of splendour" : la musique s’efface au profit des bruits de la campagne, des oiseaux – comme pour les consigner avant disparition. Ce paysage sonore fait la transition avec "Year of sky", qui répond à la première chanson du disque "Year of love" comme pour marquer ce nouveau départ, beaucoup plus expérimental. Sur la longue "Jupiter" on retrouve le travail sur les rythmes, mais aussi des influences jazz et des synthés aux sonorités spatiales et même du drone pour finir. Le retour sur Terre n’en est que plus abrupt avec "Freedom", sur laquelle Jenny Hval affirme "I wanna live in a democracy" sur des nappes de synthés.

"The revolution will not be owned", à la fois vaporeuse et renouant avec une rythmique plus marquée, fait un clin d’œil à la chanson de Gil Scott-Heron "The revolution will not be televised", sur "Pieces of a man" (1971). "Classic objects" aurait pu s’appeler "Pieces of a woman" : à la fois intime, cosmique et politique, c’est un bel autoportrait de Jenny Hval.




JENNY HVAL American coffee (Audio seul 2022)