Morceaux qui Tuent I'm not lonely anymore Hold you close Call me Greater heights
Pour la galère, vous repasserez : Jessica Lea Mayfield a tout naturellement baigné dans la musique dès son plus jeune âge, en accompagnant sur scène ses parents musiciens lors de leurs tournées. En 2005 - elle avait alors quinze ans ! - elle a tout naturellement autoproduit un EP six titres ("White lies") qui a tapé dans l'oreille de Dan Auerbach, le guitariste et chanteur des Black Keys. Ce dernier lui a alors proposé de chanter sur "Things ain’t like they used to be" ("Attack & release", 2007), avant de produire tout naturellement ce premier disque.
La plume de Jessica Lea est encore verte. Elle caresse sa guitare acoustique, en causant de romance avec des mots un peu naïfs. Elle a d'ailleurs récemment repris Buddy Holly ("Words of love") sur une compilation Starbucks : l'époque et la musique sont différentes, mais c'est la même jeunesse qui s'exprime, celle qui ressent des sentiments tout neufs, sincèrement et profondément. L'intellectualisation ce sera pour plus tard, et c'est ici que Dan Auerbach entre en piste. Le vibrant et électrique bluesman se régale de jouer au Pygmalion avec sa jeune protégée (on pense au disque de Tara Angell produit par Joseph Arthur, "Come down", 2004). Avec intelligence et sensibilité, il ne touche pas au coeur des compositions de Jessica Lea Mayfield : il "accompagne", dans tous les sens du terme. Il respecte sa personnalité, encore fragile, dont il tire le meilleur parti : la voix. Auerbach, en jouant de tous les instruments (guitare électrique, section rythmique, orgue...), construit pour elle un écrin sonore voilé et chaleureux, au sein duquel elle semble flotter et s'épanouir en toute confiance. Au point d'inflexion entre les bobos de l'adolescence et les fêlures de l'âge adulte, Jessica Lea Mayfield ne cherche pas à se veillir et c'est très touchant. "Kiss me again" commence de manière on ne peut plus classique, du folk-pop ample relevé par un court solo de Dan Auerbach, qui reste humblement et efficacement en arrière-plan. Avec son coda vocal un peu agaçant et irrésistible, "For today" a tout du petit tube en puissance, parfait pour film indé teenage. Sur ces deux titres en mid-tempo, Auerbach magnifie le trait sans gommer ceux encore flous dûs à la jeunesse de leur interprète : ce sont deux rampes de lancement pépères, avant une suite étonnante. "I can't lie to you, love" joue le décalage, et c'est payant : tempo lourd presque à contre-temps, guitare électrique massive qui double le chant sans lui être totalement accordée. "We've never lied" (banjo, basse qui s'étire comme un chat) est plus banale. Puis on se fait totalement absorber par le superbe son de "I'm not lonely anymore", plein d'écho et de choeurs sombres. "Hold you close" reste à la même altitude ; et hormis une pedal-steel spectrale sur "Call me", on se rend brusquement compte que Jessica s'y tient toute seule. Sur les mêmes hauteurs désolées et poignantes, la bien nommée "Greater heights" enfonce le clou (Auerbach à l'orgue).
On pourrait se demander si la jeune Américaine, avec plus de maturité, trouvera seule son chemin musical : quelques titres pourraient ici servir d'indices. La voix de Jessica Lea Mayfield impose l'écoute, et on ne se fait pas prier pour revenir sans cesse à ce "With blasphemy so heartfelt" dont les fragiles imperfections, parfaitement mises en valeur, sont d'autant plus belles qu'on les sait éphémères.
JESSICA LEA MAYFIELD Interview + For Today (session WNKU)