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Joey Baron

par Fabian Faltin le 19/11/2000

Note: 8.0    

Ah oui, la crise du jazz ! Que faire après un siècle d'innovations et de prodiges? Etre encore plus innovateur, encore plus prodigieux, malgré l'ombre décourageante d'un siècle de prédécesseurs ? Le grand Joey Baron le sait bien, lui qui se contente ("We'll soon find out") de s'amuser et de nous faire plaisir. Mais ne confondons pas une curiosité parfois infantile avec de la banalité. Les mélodies entendues ici sont si bonnes, que la simplicité du plaisir éprouvé en devient presque suspecte : pourquoi, et puis est-ce permis ? Demandons-nous plutôt d'ou provient la force de cette musique. Baron possède l'atout important d'être un batteur devenu compositeur. Car, pour les mélodies, il faut au moins deux dimensions, le rythme et les harmonies. Les mettre en équilibre n'est pas exercice évident, et Baron connaît son métier. Les mélodies ne cachent pas sa conscience rythmique, et sa batterie n'est pas réduite au rôle auquel elle est souvent confiné, celui du métronome. Ici, on la retrouve au contraire partie intégrante de la mélodie et du groove. Mais d'un autre côté, comme compositeur, il sait résister à une tentation fréquente chez les batteurs officiant en solo, de sacrifier le tout au profit d'une démonstration de virtuosité (méfiez-vous des albums solos !). Et sur ce plan-là, au vu des talents de Joey Baron, on se doit de le féliciter pour sa modestie. Une modestie qui s'exprime également dans un "savoir-partager". "We'll soon find out" n'est en effet pas seulement son album, mais aussi celui de Ron Carter, de Bill Frisell (ancien collaborateur à la guitare) et de Arthur Blythe, tous indispensables. Et chacun l'est parce que les compositions semblent être découpées sur mesure pour accueillir les individualités de ce quartet. Qui pourrait mieux transporter ces mélodies que Blythe, son alto parfois volant en plein ciel, parfois plus lourd et plus dur que la terre ? Quel guitariste passerait aussi facilement du charleston à la samba, du hard bop au bluegrass que Bill Frisell, l'éclectisme fait homme ? Et qui serait plus réceptif aux exigences d'un batteur versatile que Ron Carter, fournissant une ligne de basse solide, même dans les moments les plus critiques (et il y en a !) ? Ceux qui chercheront des orgies soloïstiques (dont ces quatre-là sont parfaitement capables) seront donc déçus. Baron dirige et balance, les compositions ne sont jamais perdues de vue et il joue !!! Il joue sa musique, et avec sa musique, sa nature parfois complexe et parfois simple, comme un enfant qui fait découvrir en découvrant lui même.