Grey tickles, black pressure

John Grant

par Jérôme Florio le 21/10/2015

Note: 7.0    

"Grey tickles, black pressure" vient après le pop-rock ouvragé de "Queen of Denmark" (2010, qui marquait le retour de John Grant après les Czars) et "Pale green ghosts" (2013) plus électronique ; ce nouveau disque est écartelé entre ces deux pôles, sans que l'on puisse dire si John Grant a trouvé un quelconque équilibre autre que musical.

La chanson titre est un mid-tempo classieux sur lequel la voix vibrante de Grant fait merveille. La plume est fielleuse, entre Morrissey et Randy Newman pour l'auto flagellation mordante. C'est une entrée en matière brillante, au lyrisme à la fois puissant et aérien, que vient immédiatement contredire "Slug snacks" : point de belle mélodie, un parlé-chanté pour décrire des sentiments crus sur un funk électro un peu crado à la Prince, un peu dépravé. Comme se prendre une baffe après une caresse. John Grant refuse visiblement de s'installer dans une "zone de confort" - cette propension qu'il semble avoir à se mettre sciemment dans le pétrin fournit d'ailleurs une grosse source d'inspiration pour les textes.
Le disque creuse cette veine décadente, sur fond de dance-floors interlopes : la méchante basse électro rock de "Guess how I know" ; le règlement de comptes genre jeu de massacre de "You and him" (on plaint le destinataire, s'il existe). "Down here" respire davantage, en mélangeant adroitement clarinette et électronique sur un tapis de guitare acoustique filtrée. Au rayon vie sentimentale pourrie, John Grant déballe dans "Voodoo doll" des fantasmes de vengeance si terribles que ça en devient assez amusant. On pense à un Perfume Genius (Mike Hadreas) version mâle alpha.

A mi-parcours, "Grey tickles, black pressure" devient redondant ("Global warming" / "Magma arrives" / "Black bizzard"), et renvoie une sensation d'impasse, de cercle vicieux comme si John Grant se condamnait à répéter toujours les mêmes erreurs pour mieux s'en mordre les doigts dans ses chansons. "Geraldine" finit quand même sur une douceur – mais on reste sur nos gardes.



JOHN GRANT Disappointing (feat. Tracy Thorn) (Clip 2015)