The trouble with happiness

John Greaves, Sophia Domancich et Vincent Courtois

par Sophie Chambon le 13/10/2005

Note: 9.0    

Chanteur, bassiste, compositeur, membre fondateur du groupe Henry Cow, figure incontournable du rock progressif anglais, un des chantres de l'école de Canterbury, proche de Soft Machine et de Robert Wyatt, le gallois John Greaves installé aujourd'hui à Paris est un artiste complet qui a toujours travaillé dans les marges, aux confins d'univers aussi disparates que le cabaret, le rock, le jazz, la poésie chantée...

Après "The caretaker" plus électrique, John Greaves revient à un album de "songwriting" versé dans la ballade poétique, projet plutôt classique - il avoue que la scène contemporaine free ne l'intéresse plus guère - en trio acoustique composé du subtil violoncelliste Vincent Courtois et de la fidèle Sophia Domancich, pianiste de jazz sensible et inspirée. Ce sont "ses" Jazzsongs qui composent l'album "The trouble with happiness" dont le titre paradoxal et un rien oxymorique ne sera pas pour étonner les amateurs du musicien. John Greaves ne reprend pas, même à sa façon, des standards de jazz. C'est de son répertoire dont il est encore et toujours question, textes et compositions qu'il malaxe, ressasse, recycle depuis des années. Seule exception, la reprise dans un français étiré et "mouillé" du "Saturne" de Georges Brassens.

Sur les onze compositions, sept ont déjà été enregistrés précédemment ("In the real world", "How beautiful you are", "Deck of the moon", "The world tonight" ) et certaines sous d'autres titres ("All summer long", "The price we pay"). La voix tendue, le ton passionné, le timbre vibrant de John Greaves arrivent à faire remonter ce qui semblait disparu, enfoui, creusant l'idée de poursuivre un chemin en dévoilant de nouveaux paysages, de neuves manières d'arranger l'ensemble. Il est accompagné magistralement par deux partenaires entrés de plain-pied dans ses histoires tristes, servant les nouvelles versions avec émotion et talent. Ces trois-là étaient à l'évidence faits pour se rencontrer. Le caractère mélancolique, voire intimiste de la pianiste trouve des résonances dans le travail de John Greaves entre repentirs et fulgurances, tensions harmoniques et résolutions mélodiques. Vincent Courtois souligne certains élans d'une façon encore plus manifeste, très charnelle à l'archet ou dans des pizzicatos enlevés. La sonorité du violoncelle est en plein accord avec la voix dont le piano fait retentir la plainte.

Un disque insolite au charme irrésistible.