The mirrors and uncle Sam

John Guilt

par Jérôme Florio le 14/11/2003

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Smokestacks & graveyards
Hell at the end of Route 33


John Guilt n'existe pas : c'est un personnage fictif, l'alter-ego de John Berry (bassiste), TJ Lipple (batteur) et Andy Goldman (guitare et chant). Une coquille creuse, un réceptacle à obsessions, en même temps qu'une possible métaphore de l'Amérique.

Pivot central du disque, "That feel" (signée Keith Richards/Tom Waits) exprime ce que John Guilt a reçu en héritage de son pays natal : un sentiment diffus, irrationnel et poisseux de culpabilité ("guilt").
Quand les guitares sonnent comme des nuages bas et menaçants ("Hell at the end of Route 33"), elles évoquent un Crazy Horse fourbu, mentalement épuisé, au ralenti ("The Mirrors and uncle Sam") ; leurs zèbrures d'éclairs rouge sang taillent le drapeau américain en pièces ("Red/White/Blue"). La voix d'Andy Goldman, mixée en avant, s'élève comme une plainte ("Absence makes the heart bleed"), et soutient des textes inspirés. La menace post-11 septembre rôde, épaisse, difficile à cerner : elle s'immisce jusque dans les cerveaux, pénètre l'intimité de tout un chacun. Au milieu de la fumée et des ruines, les gens errent hébétés ("New York City cowboy"), en plein désarroi, à la limite de la régression animale ("Howl"). L'Amérique cauchemarde, prisonnière d'un mauvais rêve : c'est la traversée du désert. Une étendue de terre ocre, lourde, que le vent ne parvient pas à décoller du sol. Un endroit aride, où des dunes de sable vitrifié par une chaleur anormale seraient des miroirs. Et quand les States se regardent dedans, le reflet n'est pas flatteur... Naissance d'une Nation.

Mais les choeurs féminins sur le dyptique "Smokestacks & graveyards", les cordes sur "The way the pounding heart pounds" disent aussi ceci : c'est encore l'amour, la chaleur humaine, qui rendent tout supportable, possible. Le coeur, malgré tout, continue de battre.