Wire flowers

Johnny Dowd

par Jérôme Florio le 26/07/2003

Note: 8.0    

Traîner, conduire sans but sur des routes rectilignes au son des radios qui diffusent du rock'n’roll en pensant à la fille dont on est tombé amoureux la veille : que faire d'autre quand on naît en 1948 à Port Worth, Texas, et que l'on passe son adolescence dans une petite ville de l'Oklahoma ? Johnny Dowd est maintenant propriétaire d'une entreprise de transports routiers, et par cette collection de démos nous invite à un voyage de nuit, phares éteints et yeux fermés. Son camion se transforme en train fantôme, puis en carrousel ivre qui ne tourne pas rond ("Just because"). De l'obscurité surgissent le squelette du rock'n roll ("Rockefeller eyes") et des réminiscences spectrales d'orgues sixties ("Monkey run") ; sur les bas-côtés défilent des âmes égarées entre paradis et enfer, en quête d'amour et de rédemption. Mais Johnny Dowd se démarque des chroniqueurs de l'Amérique white-trash par son humour noir : comme un jeu de massacre schizophrène, il endosse l'identité d'une galerie de personnages totalement barrés avec un réel talent de metteur en scène - bien plus drôle que Nick Cave. C'est d'ailleurs à "Eraserhead" de David Lynch que l'on pense dès le blues industriel de "Wire flowers" : Dowd est un conteur qui ressemble sur "The pawnbroker's wife" à un Iggy Pop qui n'aurait jamais mis les pieds hors de son trailer park (parc à caravanes). Mais c'est une fausse piste : "Rolling and tumbling trilogy" est une sortie de route un peu gratuite où la romance finit déchiquetée par des guitares rouillées. Johnny Dowd sait aussi se faire prédicateur fou sur un blues psychotique, semant crime et sainte terreur sur les routes de la "Bible belt" comme Robert Mitchum dans "La nuit du chasseur". Ailleurs, on le retrouve hoquetant un rock'n roll primitif ("Judgment day"), ou croassant un blues désossé de loser ("I see horses"). Deux courtes étapes pour finir : d'abord "The butcher's son", concentré d'horreur faulknérien méchant et hilarant. Enfin, un harmonica lumineux éclaire le chemin ("A change of heart") : la voix, qui charrie avec elle toutes les névroses, se tait pour accorder un peu de repos. Mais pour combien de temps ?