The rise

Julien Lourau

par Sophie Chambon le 24/03/2002

Note: 9.0    

Album paradoxal à première vue, puisque le dernier projet de Julien Lourau, qui revient au ténor, est acoustique et résolument 'soft' alors que ce disque est né de la mort du père. Ayant abandonné la résolution du jeu d’échecs, il fait tout de même preuve une fois encore de cette stratégie du 'gambit' qui consiste à changer brutalement de direction. Et à proposer un album à deux versants donc, comme le personnel qui se partage les différentes compositions : une formation européenne avec le quartet composé de Bojan Z, Henri Texier et du plus français des batteurs américains Ari Hoenig et le clan des Argentins des percussionnistes Minino Garay et Gustavo Ovalles, du bassiste Carlos Bushini, du pianiste Gerardo di Giusto. La cohérence du disque demeure cependant intacte en dépit même des accélérations, changements soudains de pulsations, et de l'installation de climats divers, du souffle de l'Est au bassin Caraïbe, en passant par le blues ou les rythmes argentins. C'est peut-être une longue tournée en 1999 avec le Groove Gang qui a rendu Julien Lourau définitivement sensible aux cadences latines. Douceur exquise de "Tu mi turbi", guajira cubaine au départ qui devient une mélodie argentine, suavité du ténor qui s'enroule autour de cette musique. Avec un grain velouté et charnu, Julien Lourau s'envole en délicates volutes, longues arabesques, voluptueusement, dans le traditionnel espagnol "Anda Jaleo". Ou enveloppe la caresse d'une voix féminine, celle d'Elvida Delgado sur le boléro "Contigo distancia". Le premier titre qui renvoie au jeu et à l'éphémère est d'une subtile transe, douce amère, en hommage à la figure paternelle, sociologue amoureux de la culture sud-américaine, et… des journaux intimes. Comme le précise Lourau dans les notes de pochette, l'idée de l'album a pris forme lors d'un retour en voiture, irréel, dans un 'paradis blanc', la nuit même de la mort de son père. Et le morceau qui reprend le titre de l'album, "The rise" souligne encore ce défi, de ne pas sombrer dans le tragique, de ne pas penser que le deuil met fin à l'espérance. Ce n'est décidément pas un disque de rage ni de violence offerte. Le chant s'élève toujours paisible, élan vital perceptible sur toutes les plages. Enfin un retour à un jazz sans prétention qui swingue naturellement sans aucune adjonction ou injection électronique, de beat jungle ou drum & bass. Ouvert à l'improvisation, "The rise" est aussi à entendre en live, car c'est une célébration de la danse par d'autres formes plus traditionnelles, mais les origines du jazz ne sont elles pas liées à ce pur divertissement ? Ainsi Lourau très bien entouré au final, nous délivre une musique amoureuse, énergiquement rythmée, qui chaloupe et enivre, donne envie tout simplement de se remuer. Parfois, il n'y a pas de mal à s'abandonner…