La musique des cabriolets

Karl Zero

par Francois Branchon le 23/11/2000

Note: 4.0    

Karl Zero aurait dû s'arrêter au faîte de sa gloire, celle du trublion iconoclaste à qui l'émission Nulle Part Ailleurs (millésimée De Caunes/Gildas) confiait sa séquence provocation. Alors, en concentré, sur les deux minutes d'un "Zerorama" ou d'un sketch trash revisité Professeur Choron sous speed, Zero pouvait être percutant, drôle, efficace, presque indispensable.

Seulement, le cadet des Tellene (le frère aîné aussi est célèbre, comme créateur de Jalons et nègre de Pasqua) s'est cru universel, il en devient très discutable. Son "Vrai journal" d'abord : chevalier blanc de l'info ou organe de désinformation par omission ? Une rumeur voudrait que cette émission "d'investigation" se soit engagée par contrat avec sa chaîne à ne jamais enquêter sur ce qui pourrait la gêner, la communication, l'eau, le bâtiment et le foot, comme par hasard robinets à pognon et à pouvoir du moment, en particulier de son employeur... En revanche, pilonnage à gogo des politiques. Alors "Le vrai journal" ne servirait-il pas subtilement le rêve sociétal de son Messier de patron (exit l'Etat, place à la trilogie économie-justice-opinion) ? Débat ouvert...

Mais Zero se sent aussi artiste multi-cartes. Acteur né, il se déguisait déjà beaucoup dans ses sketches, pas étonnant donc qu'on l'ait vu en jeune homme au look colonial dans un film de... Bernard-Henry Levy. Et aujourd'hui Zero chante ! Sautant dans le train en vogue de la variété 50's dite "typique" (en langage d'après-guerre), Zero invente une sorte de cha cha cha minimal inspiré des bagnoles des années cinquante (deux erreurs iconographiques dans le livret). Le problème est que c'est une coquille vide, sans âme ni émotion, du joli pour être joli, une musique postiche, désireuse de "faire mode", prétexte apparemment suffisant pour se croire exister.

En 1957, pile dans la période, un certain Robert Mitchum, se fendait de "Calypso is like so", un album savoureux (réédité par Capitol) où le bougre, lui aussi chantait comme un pied, mais s'y entendait à merveille, hidalgo complice et matois à l'oeil à demi fermé (voir la pochette), pour nous permettre d'y être sans y être. Mais c'était Mitchum.