Echoes of Illyra

Karlheinz Miklin

par Sophie Chambon le 03/03/2002

Note: 8.0    

A une époque où les différences ethniques, culturelles et sociales ont de plus en plus de retentissement, rééditer "Echoes of Illyra" de 1986 est un bel exemple d'indépendance artistique. Evoquer la mémoire de ce peuple mythique que des thèses révisionnistes ont tendance à réfuter, aujourd'hui, dans une Autriche où ressurgissent de vieux fantasmes, est même une preuve d'audace. Pourtant il faut bien constater que certains Autrichiens n'ont jamais ressenti et encore moins accepté l'assimilation à leur proche voisin germanique. Ainsi Karlheinz Miklin, l'actuel directeur du département jazz du conservatoire de Graz, a toujours préféré tourner ses regards vers l'autre frontière, la slovène. Il choisit de réveiller les échos des premiers peuples d'Illyrie qui auraient habité l'actuelle Carinthie, province au cœur des cultures germanique et slave, ancien nom de la partie septentrionale des Balkans (et aujourd'hui fief de Haider - ndlr). Avec cette leçon d'histoire géographie, il nous convie à l'écoute d'un jazz en trio, différent, légèrement inquiétant, aux sonorités froides et sombres. Des rythmes assez inhabituels en 5/4 sur "Again" et un "Quickie" plus sauvage, permettent au batteur Gerhard Wennemuth qui vient du rock de développer une certaine puissance et pas seulement en terme de volume. Cet album de 1986 est le troisième depuis la création de la formation, encore active aujourd'hui. Le jazz sait revenir avec la reprise épurée mais très classique de "Lush life", un "Desert march" au sopranino aigrelet et hypnotique sur un ostinato de basse. La mélodie du titre éponyme utilise un effet d'échos, et la clarinette basse ne fait qu'accentuer cette inquiétude étrange du thème, lancé par la basse et la clarinette basse : une marche quasi militaire, lancinante et éprouvante sur roulements de tambour qui résonnent avec insistance dans la mémoire. C'est tout de même Miklin qui impulse sa force au trio, jouant aussi bien de la clarinette basse que de tous les saxophones : la longue plainte du sax, souvent se brise et resurgit en fin de morceau, ou virevolte plus librement. Un album attachant et original qui recrée sans difficulté un climat austère et souvent onirique, baigné dans un folklore, qui même imaginaire est celui des racines que l'on veut s'inventer.