Tunesmith retrofit

Kelly Joe Phelps

par Jérôme Florio le 13/11/2006

Note: 8.0    

Kelly Joe Phelps est un musicien connu des amateurs éclairés de blues acoustique, et de puristes de la guitare. Il a d'abord passé par le jazz avant de se découvrir sur le tard une passion pour le blues, au début des années 90. Guitariste accompli, ses talents à la slide ou au dobro ont fait de lui un musicien recherché (il a notamment accompagné Greg Brown et Townes Van Zandt, publié des DVD genre "The fingerpicking style of Kelly Joe Phelps" – comme Richard Thompson…).

Autant dire une scène a priori éloignée de ceux qui, comme moi, se sont éveillés à la musique dans le cocon étroit du "rock indé" des années 90 – où il est de bon ton de mépriser la "technique", au nom d'un pseudo-bon goût où primerait l'émotion pure. "Tunesmith retrofit" est une collection de blues assez doux, sur laquelle Phelps joue principalement de la guitare acoustique (sauf "Scapegoat", un instrumental au banjo qui rappelle aux incultes en mon genre la scie de "Délivrance", le film de John Boorman). L'accompagnement est feutré, discrètement jazz (contrebasse, piano, batterie aux balais). Kelly Joe Phelps joue de manière très mélodique un finger-picking complexe et limpide, où chaque note est parfaitement claire et audible. Mais il donne la priorité à l'écriture des chansons, qu'il interprète de manière très sensible (comme souligné dans la chronique de "Shine eyed mister zen", il n'est pas un grand chanteur de blues, plus proche de la country).

L'ensemble est sur la durée un peu monotone au niveau du rythme, constamment mid-tempo. Pourtant la musique de KJ Phelps, bel objet que l'on n'ose pas toucher, à la limite d'être confite dans la nostalgie et la dévotion aux canons du genre, ne laisse pas insensible. On trouve sur le disque deux hommages : "MacDougal" pour Dave Van Ronk, du nom de la rue où se trouvait le club de cet animateur de la scène folk du Village, à New-York, au début des années soixante (où se produisait le jeune Bob Dylan, Fred Neil…). Et "Handful of arrows", dédiée à Chris Whitley, disparu il y a deux ans. La délicate "Tunesmith retrofit", sur laquelle guitare et melodica dialoguent, finit de laisser dans une ambiance apaisante, mélancolique et surannée.