Spirit song

Kenny Barron

par Francois Branchon le 17/03/2000

Note: 6.0    

Longtemps accompagnateur de luxe (de Stan Getz notamment), le pianiste Kenny Baron se construit sans faire beaucoup de bruit une discographie respectable de leader. Il pourrait s'imposer par exemple comme un spécialiste du trio, genre où il excelle particulièrement, mais il préfère apparemment emprunter des chemins de traverse moins fréquentés. Comme sur son précédent album ("Things unseen"), Barron marrie les textures et les couleurs et c'est avec un groupe assez varié qu'il s'aventure ici : Russell Malone (guitare), Eddie Henderson (trompette), David Sanchez (sax tenor) et Regina Carter (violon). Le résultat est une collection bigarrée de sons et d'idées, cadrée cependant par la sensibilité assez "mainstream" ("grand public") de Barron. S'il laisse volontiers de l'espace à ses invités, son jeu cueille l'oreille à chaque fois qu'il se met en avant, subtilement mêlé mais toujours altruiste, jamais dans son seul intérêt. Sa science de l'arrangement et de l'écriture éclate ici, du titre phare ("Spirit song") au rythme endiablé à la brillante valse "The question is" et à la suavité de "Cook's bay". Pour les reprises, Kenny Barron s'offre une version gentiment percutante de "Passion flower" de Billy Strayhorn, avec un solo de piano qui résume assez bien son sens du swing : frémissant quoiqu'un rien aventureux. Il engage aussi sur "Passion dance" de McCoy Tyner un duo assez chaud avec David Sanchez et "And then again", un dernier duo en tête-à-tête avec Russell Malone clôt l'album, dans lequel les musiciens foncent sur un canevas bebop à des vitesses quelquefois dangereuses rendant les virages risqués. Avec Kenny Barron, qui aurait pu se contenter d'assurer ses rentes, le jazz "mainstream" s'offre une carte de visite finalement assez progressiste.