Mojavé dust

Kevin Brown

par Francois Branchon le 29/09/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Alcohol
Are you still dancing


Erreur de parachutage à la naissance. Programmé pour l'Arizona, Kevin Brown a atterri à Preston dans le Lancashire anglais. Mais les pelouses vertes en guise de cactus et les Stetsons en forme de melon n'ont jamais altéré la puissante sève blues qui irriguait le jeune homme, et c'est tout naturellement avec une guitare acoustique dans les mains, en picking et en slide, qu'il s'est fait connaître. Joe Boyd le remarque en 1986 (le mentor du folk anglais dirige alors le label Hannibal) et publie rapidement ses deux premiers albums "Road dreams" et "Rust". Kevin Brown acquiert une dimension nationale ("Rust" est dans la foulée nominé pour l'Award du meilleur album de blues anglais), puis internationale avec une signature chez Chrysalis. "Mojavé dust" est son cinquième album, entièrement acoustique. Enregistré "à la cuisine", seul devant un Revox et un micro, avec parfois un peu de réverb, il est dans la lignée des grands moments américains, les plaintes d'un Ry Cooder période "Paris Texas", d'un Chris Smither. Ses douze morceaux sont tous lents, paisibles, avec une voix chaude et plaintive, proche, et une guitare qui caresse les sens, toujours harmonieuse et douce. Parfois des arpèges folk trahissent ses origines anglaises (grandiose "Alcohol") mais l'ensemble du disque témoigne d'un époustouflant mimétisme, on jurerait Kevin Brown sorti d'un bar d'Austin ou perdu sur des pistes du Nouveau Mexique. Les esthètes du blues feront remarquer qu'il manque ici les aspérités, les accrochages, les hésitations qui "font" précisément le blues, en d'autres termes que la musique de Kevin Brown est trop joliment produite et qu'elle laisse plus dans la bouche le goût des cocktails que de la poussière du désert de Mojavé. C'est juste et explique probablement le parrainage du guitariste Roche & Bobois Mark Knopfler. Peut-être faut-il voir là aussi la trace de l'origine anglaise. Mais la limpidité des morceaux, la guitare économe et la voix sincère prennent immédiatement le dessus. "Mojavé dust" a le goût de la Southern Comfort, on y revient, vite, longtemps...