Bad english

Kid & Khan

par Fabien Gabaig le 24/03/2014

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Talk dirty
Goo goo muck


Kid Congo maîtrisait mal la langue de Goethe. Quant à son amant, Khan Oral, grand pitre de l'électro germanique, l'anglais n'était pas son fort. Après mûre réflexion, "Bad english" semblait bien être la formule la plus appropriée pour résumer la conversation entre une folle à moustache d'origine mexicaine (le Kid) et une diva des backrooms d'ascendance ottomane (Khan Oral). Malgré ces aléas de la langue cependant, le duo était fait pour s'entendre. Le résultat de leur complicité c'est un album moite et foutraque, de l'électro boom bip couturée au hasard par des accords de guitare, un joyeux bordel pour lobotomie passagère et, autant le dire sans la moindre honte, de la vraie musique de dégénérés comme on l'aime car, oui, Dee Dee Ramone et Groucho Marx avaient raison : rien de tel qu'un disque outrageusement débile pour nous réconcilier avec l'humanité !

Conçu comme la chronique sauvage de leur relation tapageuse, "Bad english" cavale sur un rythme binaire à travers une dizaine de titres plus ou moins frénétiques ("High speed", "Washing machine") et plus ou moins salaces ("Talk dirty") tout en effectuant deux pauses – certains diront salutaires – en forme de ballades downtempo à mi-parcours ("100 miles") et en clôture du disque ("Stitches"). Kid et le Khan se demandaient sans doute ce que Lux Interior et Poison Ivy auraient fait s'ils avaient eu un penchant pour l'électronique, ce qui nous vaut une reprise hautement bordélique du "Goo goo muck" figurant sur "Psychedelic jungle" version synthés et boîte à rythmes (nota bene, la version des Cramps était elle-même une reprise de la chanson immortalisée en 1962 par Ronnie Cook and the Gaylads). Quant à la pochette, c'est un hommage au "Broken english" de Marianne Faithfull dont ils reprennent également le morceau le plus sulfureux de l'album ("Why d'ya do it ?") de façon queer et langoureuse. On vous l'avait dit, c'est torride.

Après avoir trimbalé son open tuning avec les Cramps, Jeffrey Lee Pierce et les Bad Seeds, Kid Congo Powers, durant la deuxième moitié des années 90, avait multiplié les apparitions dans différents groupes. "Bad english" était sa première escapade dans le monde de la musique électronique. L'album fut composé entre 1999 et 2002 mais, à l'époque, personne n'en voulait ; il malmenait le rockabilly, dénaturait l'électro et ça ne ressemblait à aucun genre répertorié. Ce n'est finalement qu'en 2004 que le label Trans Solar décida de le sortir. Mine de rien, ce disque marie de façon originale guitares et rythmiques digitales. Au final, il contient peut-être les premiers balbutiements d'un genre qu'on appellera, quelques années plus tard, l'électro clash – une tendance musicale dont on n'entend plus vraiment parler de nos jours alors que "Bad english", lui, tient toujours sauvagement la route.



KID & KHAN Live at Optimo Glasgow 2009