Fantastic freak show carnival

King Bathmat

par Jérôme Florio le 14/09/2005

Note: 4.0    

Selon le point de vue, on vit une période super décomplexée musicalement, ou farcie d'ersatz : des groupes qui sonnent comme The Cure, The Smiths, Gang of Four – et parfois tous ensemble... Même le "rock progressif" n'est plus le pouilleux de service : Radiohead, Mercury Rev l'ont bien assimilé. Ah, le bon vieux temps des "concepts-albums" ! On manque cruellement de disques comme "The six wives of Henri VIII" (1973) de Rick Wakeman (le clavier de Yes), joués par des bons musicos qui savent lire le solfège. Pas comme ces sauvages de rockeurs !

Trêve de plaisanteries, on n'est pas sûr d'être très content de se retrouver avec un rejeton de Genesis en la personne de John Bassett, l'homme derrière King Crim... pardon, King Bathmat. "Fantastic freak show carnival" reprend l'esthétique cabinet de curiosités-fête foraine macabre caractéristique des pochettes de "prog-rock" ("Nursery crime" des sus-cités Genesis par exemple). On sait gré à Bassett de condenser ses morceaux en quatre minutes, ce qui est déjà un moindre mal. Les structures des chansons sont des simili-suites faites de brusques ruptures, qui empruntent aux schémas de la pop comme au hard-rock héroïque, avec force claviers et guitares épiques dédoublées ou arpégées. Bassett fait toutes les voix, y compris les choeurs qui répondent au chant principal : c'est en fait un "opéra-rock" (comment, vous êtes encore là ?) qui tourne autour de personnages à la dérive (les "freaks"), et qui pourrait symboliser une descente dans l'enfer de la drogue.
"Fantastic freak show carnival" est découpé en interludes qui divisent le disque en trois actes : le premier est cyclothymique, le second apaisé - montée et descente. Et un dernier dans lequel Bassett lâche totalement la bride à ses penchants progressifs : l'épuisante "Soul searching song" alterne hard épique et à-plats trafiqués pendant plus de dix minutes.

En tirant par les cheveux, "Fantastic freak show carnival" pourrait trouver sa justesse en s'approchant d'un état de déréalisation, en-dehors du monde et de la société - mais qui ne nous concerne pas beaucoup.