| | | par Guillaume Cordier le 31/03/2000
| Morceaux qui Tuent P (7ème morceau)
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| Un titre énigmatique : "Mi media naranja", un livret qui l'est encore plus : sept lettres parsemées au-dessus d'une peinture abstraite, d'un vert maladif, dont chacune est peut-être le symbole, s'il y a symbole, des sept morceaux qui composent ce disque de Labradford de 1997. Ne reste tout au plus que la musique : sept sculptures sonores, presque entièrement instrumentales. Le murmure d'une voix se fait entendre cependant de temps à autre, les soupirs d'une voix cassée, à bout de souffle, qui, au sixième morceau, répète la même question, adressée, peut-être, à l'auditeur : "Is it deep enough ?". Une voix d'enfant aussi se superpose à la musique, au début du troisième morceau... Mais les voix ne sont là que pour souligner leur absence, pour suggérer qu'il n'est plus besoin de chanter maintenant. Ne reste plus que les instruments, traditionnels ou électroniques, leur force et leur magie, et la construction, par petites touches, par lents transvasements, de mélodies incroyablement hypnotiques. Les sons sont investis d'une épaisseur et d'une densité telles qu'on les sent prendre forme, et dessiner, dans la profondeur du paysage sonore, des figures sombres et impossibles. La musique de Labradford est tout entière dans la vibration des instruments à cordes (violon insistant, guitare aventureuse, proche par moment de celle de Ry Cooder), dans le déploiement du clavier et du piano, dans la répétition inlassable et modulée de notes solitaires, solidaires en même temps d'une mélodie infiniment reprise, toujours différente. La création musicale se situe alors dans la tension renouvelée de l'autre dans le même, dans la possibilité illimitée qu'offrent les mises en écho et le passage d'un instrument à l'autre (du couple piano et guitare au violon par exemple), dans l'alternance d'un souffle et d'un silence. Cette musique constitue une lente immersion dans la consistance des sons, dans leur solennité et leur étrangeté. Musique d'une profondeur inégalée, d'une beauté irréprochable, qui ne tient qu'à vous entraîner en dedans d'elle-même. |
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