Un monde merveilleux

Lafayette

par Francois Branchon le 03/01/2000

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Sus à l'ennemi


Le temps d'un passage à l'an 2000 sur la péniche branchouille d'une chaîne publique, il réincarnait Dave Vanian, le chanteur gominé-décadent-trasho-glamour des défunts punk anglais Damned. Lafayette, chantant live avec ses musiciens "Un monde merveilleux", imposa une présence, un magnétisme et un sens musical qui allait bien plus loin que son apparence décadente. Même si les animateurs en firent des kilos sur son look (enfin un déviant hexagonal !), le cataloguant illico "specimen de glam français" (!) ou autre stupide "chaînon manquant entre Dave et David Bowie", Lafayette, en mission promotionnelle, laissa glisser les papotages de l'homme toujours en noir et de son acolyte ivre, bien content du coup qu'il venait de frapper au cœur du poste. Avec des textes quelquefois assez crus, Lafayette, clairement inspiré des Kinks, réinvente la satire sociale de la "petite" France, celle des mesquins et des petits (ou moins petits) bourgeois, comme l'anglais Ray Davis en son temps raillait avec acuité les obsédés des conventions ("A well respected man") ou les benêts obsédés par la mode ("Dedicated follower of fashion"). Histoire de bien enfoncer le clou, Lafayette passe en revue pas mal d'obsessions et de perversions, illustrées en photos dans le livret : inceste, jeux SM, travestissement, zoophilie, shoots... Tout y passe ! Les chansons sont empaquetées dans un rock aux guitares flamboyantes qui doit beaucoup à la pop anglaise des années soixante/soixante-dix (et curieusement joué par Yann Lerker, ex-Modern Guy, groupe le plus passionnant de la scène "new wave" française de 1980) : "Je trépigne" est l'héritier direct de "Sha la la lee" des Small Faces et "Sus à l'ennemi" survitalise "Virginia plain" de Roxy Music. Le combat moqueur de Lafayette porte, malgré ses apparences, un tendre regard sur notre société. Il rend son album éminemment sympathique.