Year of meteors

Laura Veirs

par Jérôme Florio le 23/09/2005

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Spelunking
Rialto


Pour ceux qui, comme moi, étaient tombés sous le charme de la jeune américaine de Seattle avec les fleurs hivernales de "Carbon Glacier" (2004), ce nouveau "Year of meteors" laissait poindre, avant même sa sortie, une petite pointe d'angoisse.

Laura Veirs et son label (distribué par une major) ont préparé plus professionnellement le terrain. Dans ses interviews promo, Veirs se plait à répéter que "Year of meteors" est un disque de groupe, enregistré dans la foulée de ses tournées avec ses excellents musiciens The Tortured Souls : Karl Blau, Steve Moore, plus Tucker Martine qui la produit depuis ses débuts. Alors pourquoi poser seule en pochette du disque (d'un air de tranquille assurance, les cheveux agités par un vent mystérieux) ? Est-ce une volonté d'être enfin identifiable, repérable sur le marché ? Car jusqu'à présent, sa musique se passait très bien d'image, en laissant la liberté à l'auditeur d'habiter comme bon lui semble des paysages qu'elle évoquait avec sensibilité. Elle a aussi pris soin de bien lister les thèmes abordés dans ses nouvelles chansons - le mode d'emploi est fourni...

"Year of meteors" décontenancera ceux qui considèrent que le chemin vers le dépouillement est un signe irréfutable de maturité artistique : à l'austérité intemporelle de "Carbon glacier" s'oppose le chatoiement de saison de ce nouveau disque, où l'on entend de la batterie, des guitares électriques, des claviers. C'est peut-être un pas en arrière, vers "Troubled by the fire" (2003), mais dans une autre direction : Laura Veirs n'a pas besoin de revenir sur ses traces de pas pour trouver son chemin.

"Fire snakes" est une ouverture réussie, avec sa rythmique électronique qui pulse discrètement comme un coeur qui bat, et sa fin qui s'étire en lambeaux de violoncelle arrangés par Eyvind Kang. Cet habitué des lieux pose avec naturel ses interventions sur trois titres : jamais forcées, elles vibrent et respirent (la ligne de violoncelle qui redouble le chant sur "Parisian dream"). Laura Veirs traverse sans efforts des reliefs plus variés que ceux de "Carbon glacier", mais atteint plus rarement les mêmes sommets - c'est davantage les montagnes russes. Après une paire mineure ("Galaxies" au refrain faiblard avec son gimmick de synthé, un "Secret someones" meilleur mais qui doit tout au groupe, et qui se noie un peu sur la fin), une tierce majeure : dans sa plus grande simplicité, l'écriture de Veirs se maintient à un haut niveau et permet de reprendre de l'altitude ("Magnetized"). On approche de très près d'un climax avec "Rialto" : un titre épanoui et zen qui verse dans une douce euphorie (des claquements de mains !), avec sa marée montante de guitares. Ce titre montre ce qu'elle et son groupe peuvent offrir de meilleur ensemble. L'eau un peu trop plate de "Cool water" refait chuter la pression, qui remonte ensuite assez haut avec la lyrique "Spelunking" et l'énervée "Black gold blues" aux guitares déchirées.

Les textes associent encore plus étroitement l'homme et la nature, les fluides corporels et les minéraux, l'immensité de l'espace : un tiraillement permanent entre l'infiniment grand et l'infiniment petit qui fait le sel de l'écriture de Laura Veirs. Elle semble se trouver à un point de condensation où il lui faudra choisir entre redevenir terrestre ou s'évanouir dans l'atmosphère, se dissoudre dans les éléments (comme le suggère "Lake swimming"). En bout de parcours, planquée après une plage de silence, une dernière chanson (en fait enregistrée sur un répondeur téléphonique) semble captée d'un lointain satellite. "Year of meteors" fera un passage agréable sur notre platine, scintillant – et bref - comme une étoile filante : confiants en son retour comme pour la comète de Halley, on espère que Laura Veirs ne s'éloignera pas avantage.