Choreography

Lauren Hoffman

par Jérôme Florio le 09/03/2006

Note: 9.0    

On a plaisir à voir réapparaître Lauren Hoffman, après plusieurs années d'éclipse médiatique pendant lesquelles elle a fait quelque chose de plus important que des disques : vivre et continuer à apprendre. Elle réussit un retour en beauté avec ce "Choreography" à la maturité toute féminine, composé et joué avec sobriété et l'envie d'un travail bien fait.

Déjà presque une décennie depuis le petit succès de "Megiddo" en 1997, à même pas vingt ans – ce qui lui avait valu un passage au festival des Inrockuptibles la même année. Par la suite, la native de Charlottesville, Virginie, a eu du mal à se dépêtrer de son contrat avec la "major company" Virgin : en 1999, "From the blue house" passe inaperçu et solde les comptes. Libérée, Lauren décide de retourner à la fac et d'étudier la danse. Après bien des atermoiements, elle choisit de revenir à la musique, plus sereine et sûre de ses choix – on sent bien à l'écoute du disque que ce n'est pas une volonté de revanche d'être restée éloignée des sunlights qui motive son retour.

Lauren Hoffman écrit sur de l'intime – et sur quoi d'autre, à moins de tricher, de ne pas être intègre ? "Choreography" dégage une sensation d'humilité, et en même temps montre une détermination tranquille mais inflexible. De son propre aveu, Lauren puise sa force dans le souvenir d'une rencontre qui a changé sa vie : Jeff Buckley, dont la manière de chanter et l'investissement total lui ont fait l'effet d'une révélation (l'auteur de ces lignes le comprend d'autant mieux pour avoir été très marqué par un concert de Buckley fils...). Si la musique de Lauren Hoffman peut paraître douce, même dans ses moments d'accélération, c'est presque par opposition avec un matériau autobiographique assez dur et sans concessions (on pense à un autre récent excellent disque de fille, celui de Martha Wainwright). "Choreography" balance entre des sentiments forts et antagonistes : la culpabilité de faire du mal sans pouvoir s'en empêcher ("you're a little bit broken / I'm a sucker for that"...), l'épuisement et le retour du désir, la sensation de renaître à la vie. Sur des arrangements sobres (formation rock basique, et selon les chansons quelques touches de Wurlitzer, de piano, de violoncelle ou de bugle) Lauren Hoffman parvient à faire décoller ses chansons, voire à les dépasser, grâce à sa voix qu'elle ne craint pas de pousser et qui recèle une forte charge émotionnelle ("Another song about the darkness", "White sheets (crush)"). Elle semble parfois presque à l'étroit, et on devine qu'elle peut aller plus loin encore.

Il est un peu dommage que l'on soit tout seuls en Europe à remarquer les qualités de "Choreography" : il n'a pas trouvé de distributeur aux USA. Comme pour d'autres - Jeff Buckley, Elysian Fields... –, réservons-lui un bon accueil.