A personal landscape

Laurent Cugny & Lumière

par Sophie Chambon le 01/07/2001

Note: 8.0    

Cugny en quête d'auteurs, ou un portrait en dix plages. Dix plages, dix espaces sonores dont on connaît les signatures. S'agit-il d'un hommage, d'une relecture, d'une série d'interrogations sur le jazz et les créations déjà jouées ? Rappelons que Laurent Cugny, chef d'orchestre (Big Band Lumière), musicologue, pianiste, historien du jazz a fondé l'année dernière à Paris la Maison du Jazz, une institution vouée à l'enseignement et à la diffusion des recherches sur cette musique. Le jazz mériterait d'être plus souvent interrogé de la sorte. On connaît son amour pour les pères fondateurs, Miles Davis et Gil Evans, pourtant il n'a pas trop craqué puisqu'il ne reprend que deux thèmes de Miles, "Fun" et "Thisness". Par contre, il montre un réel éclectisme et se révèle un observateur attentif de la musique de ces trente dernières années : Sting, les Beatles, Carla Bley, Joni Mitchell, Herbie Hancock, que des valeurs sûres qu'il souligne encore, si besoin était, par ses arrangements subtils qui donnent la part belle à ses solistes. Ainsi le "Blackbird" de Lennon et McCartney est joué sur un tempo légèrement plus lent par l'excellent tromboniste qu'est Denis Leloup. Rien à voir avec la pâle version de Brad Mehldau dans un de ses "Art of the trio". En effet, Laurent Cugny, ancien directeur de L'ONJ, est de nouveau à la tête d'un Big band dans lequel jouent quelques-uns des meilleurs instrumentistes actuels, qui participent aussi au Caratini Jazz Ensemble. L'horizon personnel de Laurent Cugny est à prendre en compte dans le paysage français des orchestres, avec ceux très différents de Claude Barthélémy ou celui du grand Lousadzak. Décidément l'avenir est dans les big bands, ces grandes formations aux largesses mélodiques qui échangent avec bonheur entre pupitres. Cette musique offre tellement de possibilités que l'on ne peut qu'être entraîné, soit par l'envolée d'un soliste (la suavité du trombone qui vocalise, l'élégance de la flûte de Denis Barbier dans "Jesus maria" de Carla Bley), soit par le formidable travail d'ensemble (les cuivres chaleureux dans "Thisness"). Sans faire de revivalisme douteux, Laurent Cugny montre que l'on peut faire vivre intelligemment la tradition et se constituer une culture originale et intransigeante.