Rekmazladzep

Lazro, Madiot, Répécaud & Zekri

par Hugo Catherine le 06/05/2008

Note: 9.0    

"Rekmazladzep" atteint un rare degré d'équilibre : empli de subtils entremêlements (attaques agressives et fulgurances mélodiques), les instrumentistes nous donnent à entendre une harmonie pleine de torpeur. Cette dualité entre douceur et rugosité crée une beauté brute, les distorsions saccadées faisant place à une calme lenteur, on entendrait la mer. Nous nous laissons balancer, vrombissements, crissements, gros son, free son, flux, reflux, aspirant, expirant, élévation, libération.

La densité des morceaux va souvent crescendo, aux confins du mur du son, tel un gros buzz sinusoïdal. Il faut affronter une énergie mat, électrique, enragée. Les musiciens impressionnent par leur maîtrise de l'encombrement sonore. Plongés dans le ventre de la terre, nous écoutons une certaine violence, toujours contenue, qui peut s'éteindre telle une bête étouffée. "Rekmazladzep" mérite de multiples écoutes actives tant le travail d'extirpation des sons prend admirablement le pas sur leur propagation purement agressive. Les compositions sont très imagées avec notamment des correspondances entre l'humeur des morceaux et les titres choisis. Plusieurs niveaux de rythmes et d'harmonies se superposent, les grands écarts grave/aigus et les dissonances mélodieuses se superposent : hululements et derniers souffles font bon ménage, l'ensemble est très cohérent, et il s'en dégage de vraies pépites musicales.

Nous faisons face à une force qui nous dépasse sans doute. Mieux vaut se faire petit, écouter, écarquiller, intimidé. L'album nous réserve même un atterrissage jusqu'au-boutiste de plus d'un quart d'heure des plus crissant et venteux. Ces musiciens-là, Daunick Lazro, Thierry Madiot, Dominique Répécaud et Camel Zekri ont un son bien à eux, il est très total.