Les arômes de la mémoire

Le Bernard Struber Jazztett

par Sophie Chambon le 09/01/2004

Note: 9.0    

On peut commencer à évoquer ce disque après l’écoute de "Ferdinand Joseph la Menthe" autrement dit Jelly Roll Morton et puis on en vient aux "arômes de la mémoire", titre "essentiel" qui évoque de façon subtile le projet de Bernard Struber, organiste de formation du Conservatoire de Strasbourg (qui, lors du récent Jazzdor, a décidé de renouer avec la pratique du "roi des instruments" cher aux plus grands improvisateurs d’où son programme joliment intitulé "Bach et les fils de l’invention"). Egalement guitariste et fin compositeur, très attaché à sa région, il est à la tête d’un de ces "grands formats" big bands terriblement excitants qui existent dans notre pays sans pour autant toujours se faire entendre suffisamment.

En cuisinant des ingrédients diversifiés, selon les tours de la mémoire et détours de l’imaginaire, c’est une musique réinventée aux saveurs exotiques que nous concocte, sans que l’on y reconnaisse toujours bien les origines précises, le chef. Car - et c’est tout à son honneur - Bernard Struber récuse fortement ces appellations de métissages et refuse mix, clonage et autres tentatives de récupération et recyclage. Selon ses mots, "il a imaginé ce répertoire comme une lecture improvisée de quelques traditions musicales réinventées". C’est donc une Afrique ou une Asie recréées, fantasmées que nous propose le jazztet en grande forme comme dans "Plein jeu", "les Tournelles", "Le mandarin bleu".

L’onztet régulier s’adjoint ici la présence de quelques invités, membres du clan, le formidable trompettiste Jean Louis Capozzo qui ouvre le disque avec son complice de "L’affrontement des prétendants", le clarinettiste Louis Sclavis. Mais à l’Orja (Orchestre Régional de Jazz d’Alsace) le jeu est équitable, et chacun en profite pleinement, plus avantageusement que ne le faisaient les distingués solistes de l’orchestre de Duke Ellington. Ce qui permet de retrouver entre autres, avec bonheur, le batteur Eric Echampard, le clarinettiste Jean Marc Foltz, le pianiste Benjamin Moussay.

Les couleurs sont donc idéalement rêvées et on s’embarque (pour une durée des plus raisonnables) dans un voyage autour de sa chambre en compagnie de ces hommes vers les promesses de l’aube.