| | | par Chtif le 31/08/2006
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| "Please kill me", c'est l'inscription qu'arborait sur son tee-shirt le guitariste de Television Richard Lloyd. Aujourd'hui, la provocation amuserait au milieu des "Rape me" et autres "Fuck me Jesus". Mais à l'époque, c'était du jamais vu, et certains fans du groupe se déclaraient prêt à exaucer le voeu du guitariste.
"Please kill me", c'est aussi le titre de l'ouvrage de Legs McNeil et Gillian McCain, initialement paru en 1996. Enfin traduit, l'ouvrage ravive cette période unique dans l'histoire contemporaine qui vit une bande de branleurs inspirés briser les règles et bousculer les bien-pensants. La couverture rose flashy laisse d'abord dubitatif. Encore une arnaque glamour pour pseudo-gothique ? Que nenni. Ce sont ici trente ans d'entretien avec les (véritables) acteurs du punk qui nous content par le menu ces quelques mois baignés d'espérance folle et sans frein. Tout le versant punk américain y passe (on ne s'autorise une excursion anglaise que pour suivre la fameuse tournée "Anarchy tour of the UK" en 76), depuis les happenings du Velvet Underground et de la Factory jusqu'à la mort de Jerry Nolan (batteur des New York Dolls) en 1992. Sur plus de 600 pages, le livre dévale les branches d'une généalogie de rêve : MC5, Stooges, Television, Patti Smith, Ramones... Des informations aussi vitales que le sens caché de "TV eye", l'enregistrement des Ramones avec un Phil Spector complètement jeté, ou les chaudes-pisses à répétition de Malcom McLaren y pullulent. Une histoire passionnante de bout en bout, jalonnée de concerts cataclysmes au son ignoble, de groupies au palmarès vertigineux, et plus que tout de classiques indémodables.
Qu'on ne s'attende pas à trouver là une énième définition foireuse du punk, un truc bavard et prétentieux. La sève du mouvement réside entièrement dans cet amas bordélique de témoignages. C'est tout à la fois violent, libre, et poétique, mais surtout honnête et sans remord. "Please kill me" évite soigneusement le piège nostalgique du "c'était mieux avant", et ne nous épargne rien. Ni la morve d'Iggy, ni le tapin des punks en rade au coin de la 53ème, ni les piquouses au fond des chiottes du Max's Kansas City. La moindre page recèle son florilège de répliques fusantes amassées sous des kilos de came et des litres de sang. Une histoire comme ça devait fatalement mal tourner. Les derniers chapitres sont douloureux, entre le déclin du CBGB envahi par des touristes en manque de sensations et la fin sordide de Johnny Thunders devenu junkie incontrôlable. Quel gaspillage.
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